Licencié huit ans après une grève30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Licencié huit ans après une grève

À Continental à Clairoix, près de Compiègne, dans l'Oise, le lundi 26 août, jour de la rentrée pour toute l'usine, plusieurs dizaines de travailleurs se sont rassemblés au changement d'équipe pour protester contre le licenciement d'un délégué syndical CGT, connu par ailleurs pour son engagement à Lutte Ouvrière.

La direction de cette usine de pneus de 1200 salariés, dont 800 ouvriers de production, appartenant à un groupe richissime qui a triplé ses bénéfices en 2002, lui a envoyé sa lettre de licenciement mi-juillet, alors qu'il était en congé, et sans qu'il ait été mis au courant auparavant de quoi que ce soit. C'est le fait d'avoir participé à une grève, huit ans auparavant, en juin-juillet 1994, aux côtés de centaines d'autres ouvriers qui constituerait la " faute lourde " sur laquelle s'appuie la direction pour le licencier. Le patron n'a jamais pardonné cette grève, et il cherche, en licenciant un délégué, à s'attaquer en fait à tous les salariés de l'usine.

La grève de 1994

La grève de juin-juillet 1994 avait éclaté suite à la décision de faire faire aux ouvriers des semaines de 45 heures durant les mois d'été. C'est aussi pour une augmentation de salaires et l'embauche des intérimaires que la majorité des ouvriers s'étaient mis en grève durant près de trois semaines. Cette grève eut un écho dans les autres entreprises de la région parce que les revendications, de salaires en particulier, étaient aussi celles d'autres travailleurs, mais aussi parce que la direction de l'usine, qui s'appelait alors Uniroyal, avait fait envoyer des nervis pour faire le coup de poing contre les grévistes. Et cela devait provoquer une juste émotion dans la région. Le directeur de l'usine, Richard Cassel, fut ensuite condamné en justice, mais à une peine avec sursis. Depuis, il est devenu directeur du groupe Continental France, une promotion due sans doute à ses agissements de patron de combat. Et c'est ce patron aux méthodes de voyou qui continua à s'attaquer aux grévistes dans les mois qui suivirent la fin du conflit. Il entreprit d'abord une procédure de licenciement contre 19 salariés dont 4 délégués, en prétendant, entre autres choses, que ceux-ci avaient bloqué des camions. Mais ce ne fut que contre deux délégués CGT qu'il put maintenir sa procédure de licenciement. Et finalement, quelques mois plus tard, il ne maintenait sa demande de licenciement que contre notre camarade.

Licencié 8 ans après

Malgré le refus du licenciement par l'inspecteur du travail, le ministre du Travail de l'époque autorisait son licenciement. Un an plus tard, le tribunal administratif d'Amiens annulait cette décision et le camarade retrouvait son poste de travail et ses camarades qu'il n'avait d'ailleurs pas vraiment quittés durant cette année d'agitation, où s'étaient succédé pétitions et débrayages. Malgré un deuxième jugement d'un autre tribunal, la cour administrative d'appel de Douai qui allait encore dans le même sens, la direction continua à faire appel. Et finalement, au bout de huit années, elle finit par obtenir que le Conseil d'État revienne sur les deux jugements précédents, permettant ainsi à la direction de Continental de le licencier. La décision du Conseil d'État n'est cependant pas du tout une " obligation " de licencier, contrairement à ce qu'a prétendu Richard Cassel. C'est la direction qui a décidé de le licencier, et elle seule.

Une attaque contre tous les travailleurs

Une pétition pour la réintégration de notre camarade et le respect des droits de tous les travailleurs a tout de suite circulé et a déjà été signée par la quasi-totalité du personnel présent durant les mois d'été, où bien entendu les équipes étaient en vacances par roulement. Ce licenciement est en effet une attaque contre le droit de revendiquer, de faire grève, contre le droit des travailleurs d'avoir les représentants qu'ils ont élus. Mais la direction veut aussi essayer de créer une ambiance qui lui permette plus facilement de s'attaquer aux conditions de travail de tous les ouvriers, sans qu'il y ait de remous. Constamment dans cette usine, le patron cherche à licencier des travailleurs malades, handicapés suite à des accidents du travail. La semaine dernière, un jeune travailleur a été licencié sous prétexte de maladie professionnelle. Le patron cherche à aggraver les conditions de travail déjà dures. Ainsi, toujours la semaine dernière, il a fait demander à des travailleurs de l'équipe du matin de rester jusqu'à 16 heures, soit deux heures de travail en plus, à des travailleurs en équipe de nuit de venir à 20 heures, deux heures plus tôt, et cela alors que des intérimaires viennent d'être licenciés. Ces mauvais coups ne passent heureusement pas aussi facilement que le patron le voudrait.

Une partie des travailleurs a bien compris que tous les salariés étaient attaqués, et pas seulement le délégué menacé, et qu'il ne faut donc pas laisser passer ce sale coup. Le 26 août s'est déroulé le premier rassemblement. D'autres initiatives sont prévues. Le combat ne fait que commencer.

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