Le " développement durable "... des profits30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Le " développement durable "... des profits

Trois " grenades assourdissantes " ont marqué l'ouverture du Sommet de Johannesbourg. Trois grenades tirées par la police sud-africaine sur des manifestants du mouvement des sans-terre, des habitants des bidonvilles qui croyaient à tort que la chute de l'apartheid marquerait aussi la fin de leur misère. Pas question de laisser les gueux s'inviter à la table de discussion ! Seul les personnalités, les chefs d'États et leurs suites sont admis à venir pérorer dans le luxueux centre d'affaire de Sandton, sous la protection de 10 000 garde-chiourmes armés jusqu'aux dents.

La dernière fois, c'était à Rio, et on a vu ce que ça a donné. Il y eut de beaux discours, on signa des chartes, des protocoles et on adopta des agendas. Et depuis ?

17 millions d'hectares de forêt ont été détruits chaque année, soit presque un terrain de football par seconde, en grande partie par des entreprises d'exploitation forestière sans scrupules, comme certains groupes français au Cameroun ou brésiliens en Amazonie. Les pétroliers et chimiquiers qui sillonnent les océans souvent en dépit du bon sens ont continué à dégazer en pleine mer pour augmenter leurs marges bénéficiaires. La loi de la jungle et du profit maximal qui régit toujours le trafic maritime a favorisé les marées noires dévastatrices comme celles de l'Erika sur les côtes françaises.

Depuis Rio, les rejets de gaz carboniques ont augmenté de près de 10 %, et sous la pression des grands groupes automobiles, le trafic routier et autoroutier est toujours davantage favorisé au détriment des transports en commun, menaçant les grandes villes d'asphyxie. La pollution industrielle a de beaux jours devant elle, les Indiens gazés par milliers à Bhopal en 1986 par le trust chimique Union Carbide attendent toujours, 15 ans après, leurs indemnisations. Quant à l'agriculture, elle est plus que jamais une affaire de gros sous, conduisant à l'épuisement des sols, à l'utilisation incontrôlée d'engrais et de pesticides, à la pollution des cours d'eau ; l'élevage est lui aussi un business de plus en plus irresponsable, prospérant à coups d'hormones de croissance, de farines d'animaux malades, ou commercialisant des produits infectés par la dioxine...

Alors, non seulement les politiciens, les bureaucrates et les patrons réunis à Johannesbourg ne vont pas sauver la planète, mais bien au contraire, la principale menace, c'est eux !

Tous ces messieurs prennent des mines graves pour évoquer le milliard d'individus qui n'ont pas accès à l'eau potable, les 1,6 milliards qui n'ont pas l'électricité ? Mais ces problèmes, ils le savent, pourraient être réglés depuis belle lurette, si on y consacrait ne serait-ce que 10 % des dépenses militaires mondiales, selon les propres estimations de l'ONU !

Laisser végéter plus d'un milliard d'individus dans un environnement insalubre, sans évacuation d'ordures, forcés de boire une eau croupie et de subir choléra, dysenterie et paludisme, c'est un choix de la part des puissants de ce monde, hommes d'État et patrons de multinationales. Les besoins des plus pauvres, bien que criants, ne s'accompagnent pas d'un pouvoir d'achat suffisant, ils ne sont pas solvables, ils ne constituent pas un marché : pour le capitalisme, ils n'existent pas. Ce sommet, " nous en attendons beaucoup ", déclarait le patron de Suez Gérard Mestrallet : pour lui, grand marchand de flotte international, c'est peut-être l'occasion de décrocher le marché de l'eau privatisée dans une grande ville du Tiers-Monde, quitte à la rendre encore plus chère, plus inaccessible pour les pauvres.

Ce dont la planète est malade, c'est d'abord une organisation sociale aberrante, basée sur le profit et l'intérêt individuel. Faire rentrer les profits au jour le jour en dissimulant les nuisances et la pollution, ou en en rejetant la charge sur la collectivité, telle est la règle d'or du capitalisme. Un tel système ne peut que dévaster l'environnement et dégrader à la longue la qualité de vie des êtres humains. D'où l'urgence de s'en débarrasser.

Editorial des bulletins d'entreprises " l'Etincelle " de la minorité du 26 août 2002

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