Etats-Unis : Campagne pour une nouvelle guerre contre l'Irak30/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1778.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Etats-Unis : Campagne pour une nouvelle guerre contre l'Irak

Depuis des mois, et particulièrement depuis le début de l'été, le président Bush multiplie les déclarations menaçantes contre l'Irak. La grande presse américaine s'en fait l'écho. Le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la Défense Ronald Rumsfeld sont de chauds partisans d'une guerre dans le court terme. Et, cette fois, il n'est pas seulement question de bombardements aériens comme l'Irak en a déjà essuyés depuis la fin de la guerre du Golfe, il y a onze ans. La possibilité d'une attaque terrestre, qui pourrait mobiliser 250 000 hommes, est ouvertement évoquée.

Divers militaires de haut rang, vétérans de la guerre du Golfe, soupèsent publiquement les chances de l'emporter si une bataille du type de celle de Stalingrad se déroulait à Bagdad. L'objectif serait bien sûr de remplacer le régime de Saddam Hussein, un des éléments de " l'axe du mal " terroriste mondial selon Washington, par un régime ami comme cela s'est fait en Afghanistan. Des voix, plus rares, au sein de l'administration Bush, soulignent cependant que si on sait comment une guerre commence, on ne sait jamais comment elle peut finir.

Depuis onze ans, l'administration américaine reproche à Saddam Hussein de refuser la présence d'inspecteurs de l'ONU pour enquêter en Irak sur la présence d'armes de destruction massive (gaz, bombes atomiques éventuelles, etc.). Pour justifier leurs plans de guerre, les " faucons " de Washington expliquent que le régime irakien pourrait utiliser de telles armes contre Israël, voire contre les États-Unis et constituerait donc une menace pour la paix du monde. Ils rappellent aussi que ce régime pourchasse impitoyablement ses opposants politiques et a perpétré des massacres parmi les minorités religieuses ou nationales du pays (chiites, kurdes). Saddam Hussein est certes un sinistre dictateur, mais s'il est au pouvoir depuis si longtemps, c'est d'abord parce que les grandes puissances impérialistes (États-Unis, Grande-Bretagne, France) s'en sont longtemps accommodé. Et, depuis onze ans, c'est l'Irak qui est étranglé par les pays riches et pas l'inverse.

Et l'administration Bush le sait fort bien. C'est même peut-être parce qu'elle sait que l'embargo a beaucoup affaibli le régime qu'elle estime le moment venu d'en finir avec lui.

Le ton actuel de la presse américaine, comme de celle de son allié anglais, qui n'a jamais rechigné à participer à des raids aériens contre l'Irak, rappelle la préparation psychologique qui a précédé la guerre du Golfe de 1991, menée par le père de l'actuel président, quand on nous présentait Saddam Hussein comme un prétendu " nouvel Hitler " menaçant le monde entier. Onze ans plus tard, après avoir écrasé l'armée irakienne, terrorisé la population par des bombardements et imposé pendant des années un très dur embargo (500 000 Irakiens y auraient trouvé la mort), les dirigeants américains estiment apparemment qu'ils pourraient en quelque sorte parachever ce qui n'a pas été fait à l'époque, et écarter Saddam Hussein du pouvoir.

Parmi certains gouvernements européens, du côté des dirigeants russes, et y compris dans le Parti républicain de Bush, des réserves sont émises vis-à-vis d'une telle offensive. Par exemple, Colin Powell, qui a le poids d'un vétéran de la guerre du Golfe, déclare préférer arriver au même résultat, la chute de Saddam, en faisant l'économie de la guerre. Ces opinions sont minoritaires mais suffisamment représentatives pour que le président Bush ait fait savoir qu'il y accorderait toute son attention, tout en faisant savoir aussi que, légalement, il peut décider seul d'une intervention, sans même passer par l'aval du Congrès. Mais, pour ménager ce dernier, il fait savoir aussi, qu'en bon politique, il préférerait l'avoir à ses côtés en cas de guerre.

Quelques-uns savent aussi que, dans l'imbroglio du Proche-Orient, retirer une pièce du jeu peut déclencher plus de problèmes qu'en résoudre. On a pu voir, avant l'offensive contre les Talibans d'Afghanistan, que choisir de quelle base militaire de cette région les États-Unis entendaient intervenir était déjà une première difficulté. Celle de l'allié naturel des États-Unis, l'Arabie Saoudite, pose bien des problèmes à cet allié des États-Unis, qui souhaitait ménager son image vis-à-vis du monde musulman qui lui reproche onze ans de présence américaine. Et ce problème se repose à nouveau aujourd'hui, maintenant qu'il est question d'une offensive contre l'Irak. Les États-Unis envisageraient maintenant de partir du Qatar, pour ménager le régime saoudien, à moins que cela ne soit pour lui faire savoir qu'ils peuvent très bien se passer de lui.

En admettant que les États-Unis l'emportent militairement contre Saddam, la pleine réussite politique n'est pas garantie. L'exemple récent du nouveau régime en Afghanistan n'est pas si concluant pour eux. Les dirigeants américains sont loin d'être sûrs que la situation est vraiment stabilisée : actuellement encore, des combats se poursuivent dans plusieurs régions.

D'autres considérations existent. Cette campagne contre l'Irak intervient opportunément, au moment où l'instabilité de la Bourse et surtout les scandales financiers mettent Bush et ses alliés en difficulté. Elle permet, bien sûr, une utile diversion. Dans quelques mois vont avoir lieu les élections législatives du milieu de mandat présidentiel. Mais constater ces préoccupations électoralistes ne doit pas conduire à minimiser le risque de guerre contre l'Irak (sans compter que vaincre sur le terrain militaire n'assure pas forcément le succès électoral, comme Bush père a pu en faire l'expérience en 1992).

Il reste que, depuis la fin de la guerre du Golfe, les dirigeants américains sont frustrés. Leur victoire n'a été qu'une demi-victoire puisque le régime de Saddam a pu se maintenir, et les attentats du 11 septembre offrent une nouvelle opportunité à l'administration américaine. Aux yeux des dirigeants américains, l'éventuelle installation d'un régime solidement pro-américain à Bagdad peut s'envisager comme un prévoyant contrepoids à celui de l'Arabie Saoudite. On reste toujours en zone décisive de production pétrolière.

En réalité, la minorité de l'administration américaine qui a fait savoir qu'elle préférait faire l'économie d'une guerre a les mêmes objectifs.

Alors, on verra bien si les États-Unis passent à l'acte dans la période qui vient ou au printemps 2003. En attendant, en menant la campagne actuelle en faveur d'une guerre, le gouvernement américain cherche à obscurcir encore l'état d'esprit de sa population et la mettre en condition pour être éventuellement en mesure d'agresser l'Irak, s'il venait à le décider vraiment.

Quelques " révélations " bien choisies sur, par exemple, des armements secrets irakiens pourraient même venir opportunément aiguillonner cette opération d'intoxication.

Partager