Quand l'assemblée se prononcepour la hausse des salaires09/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1776.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Quand l'assemblée se prononcepour la hausse des salaires

Raffarin et ses ministres peuvent partir ravis en vacances. Ils viennent de se faire voter par l'Assemblée, après seulement cent jours d'ancienneté, une royale augmentation de 70 % de leurs salaires. Quels salariés de la " France d'en bas " dont Raffarin aime à parler, peuvent faire état d'une telle augmentation de leur salaire ?

Le scandaleux se mêle au ridicule. Le fait en lui-même est bien sûr plus que choquant mais la manière dont Raffarin s'était d'abord déclaré contre cette augmentation, ajoutant par la suite " qu'il n'était pas demandeur ", pour enfin la laisser imposer par l'Assemblée, ne l'est pas moins. Dans ce festival d'hypocrisie, personne n'a été en reste. Charasse, sénateur socialiste et ex-ministre du Budget, a été le premier à proposer cette augmentation, façon peut- être d'exprimer ses idées sociales. Mais tous les arguments pour justifier cette mesure relèvent du même cynisme.

On a expliqué, par exemple, qu'il s'agissait de compenser la disparition des " fonds secrets ", ces fonds distribués aux ministres, qui se partageaient avec leurs collaborateurs des sommes importantes sans le moindre contrôle. Il a même été dit que la revalorisation des salaires ministériels permettrait de prévenir la corruption. Nos ministres seraient-ils donc capables de se livrer à des tripatouillages pour arrondir leurs fins de mois ?

Le plus choquant c'est, bien entendu le fait que, il y a quelques semaines, Raffarin s'opposait à tout coup de pouce au SMIC et se déclarait ferme partisan de la rigueur salariale. Il est vrai que l'augmentation des ministres ne touche que le budget de l'État, alors que celle du SMIC empiète sur les profits patronaux. Et le gouvernement ne tient pas, mais pas du tout, à prendre la moindre mesure lésant le patronat. C'était le cas de son prédécesseur socialiste. Mais c'est encore plus provocant aujourd'hui.

Ce n'est quand même pas un hasard si les premières mesures prises par Raffarin concernent les problèmes dits sécuritaires. Aucune d'elles ne changera quoi que ce soit à la situation en ce domaine, parce qu'elles laissent en place la misère, qu'elles ne changent rien aux délabrements des cités populaires. Parce que l'un des rares moyens de donner une instruction à ces jeunes serait de multiplier le nombre d'enseignants et non pas de multiplier les prisons et les gardiens.

Et ce n'est pas un hasard non plus si les autres mesures prises sont toutes ouvertement en faveur des patrons et des milieux aisés. C'est le cas de la baisse de l'impôt sur le revenu. Il faut dire que le gouvernement de gauche l'avait fait aussi. C'est aussi le cas de la baisse des charges sur l'embauche de jeunes. Chacun sait que cela ne créera pas d'emplois nouveaux, tout au plus une aubaine pour les patrons, qui choisiront, comme à chaque fois, d'embaucher des jeunes à la place de salariés plus âgés.

Raffarin, a affirmé que son bilan, après les premières semaines de gouvernement était mince comparé aux tâches qui l'attendaient. Cela n'est pas pour nous rassurer. D'autant qu'il a déclaré que le dossier auquel il s'attaquerait en priorité à la rentrée serait celui des retraites. On imagine ce que cela veut dire. D'autant mieux que parmi ses proches, se trouvent des hommes comme Balladur et Juppé. Le premier augmenta de 37 ans et demi à 40 ans la durée de cotisations nécessaire pour obtenir une retraite à taux plein dans le secteur privé. Le second tenta de généraliser cette mesure au secteur public en 1995, mais dut y renoncer, face aux cheminots en grève.

C'est la preuve que le monde du travail dispose des moyens de faire reculer les mesures antiouvrières d'un gouvernement, même de droite, quand il réagit collectivement. C'est cette leçon qu'il nous faudra rappeler à Raffarin s'il tente de refaire, comme c'est probable, le coup de Balladur et de Juppé.

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