Amérique du Sud : La crise s'étend09/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1776.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Amérique du Sud : La crise s'étend

Comme on pouvait s'y attendre, la crise financière et économique dans laquelle se débat l'Argentine depuis des mois commence à avoir de graves répercussions dans plusieurs autres pays d'Amérique du Sud. Partout, la récession est à l'ordre du jour : dévalorisation des monnaies, inflation (elle devrait atteindre 9 % dans l'ensemble du sous-continent), et cela se traduit par une pauvreté touchant 44 % de la population totale.

Même le plus grand pays d'Amérique du Sud, le Brésil (170 millions d'habitants sur un total de 350 millions), est désormais touché : l'économie tourne au ralenti, la monnaie brésilienne, le real, a perdu un tiers de sa valeur depuis avril dernier, alourdissant encore la dette, qui atteignait déjà 60 % du produit intérieur brut à la fin juin. Si la situation du Brésil s'aggravait jusqu'à la banqueroute, comme en Argentine, ce serait toute l'Amérique du Sud qui basculerait dans la crise...

Le cas de l'Uruguay

La presse donne peu d'informations sur la façon dont la crise se traduit dans les faits pour les populations. Néanmoins, on a pu en avoir une idée récemment par quelques articles publiés à propos de l'Uruguay.

On apprend que l'Uruguay est maintenant atteint de plein fouet par cette crise. Ce pays voisin de l'Argentine, bien moins étendu, que l'on surnommait auparavant, un peu abusivement il est vrai, la Suisse de l'Amérique latine, a vu sa monnaie s'effondrer : le peso uruguayen a perdu 50 % de sa valeur en un mois.

L'Uruguay vit aujourd'hui la même tourmente financière que celle qui a plongé récemment l'Argentine dans une misère plus profonde et plus large. C'est pour essayer de limiter la fuite des capitaux que le gouvernement a décidé de fermer les banques le 30 juillet (elles n'ont rouvert que sept jours plus tard). Au cours des deux derniers mois, les sorties de capitaux ont dépassé les 500 millions de dollars par mois. Les dépôts des banques ont fondu de 45 % depuis janvier. Les réserves monétaires du pays ont chuté de plus de 78 % dans le même temps, et elles continuent à baisser.

Emeutes de la misère

La fermeture des banques et la chute du peso ont entraîné panique et colère dans la population. De longues files d'attente se sont formées devant les distributeurs automatiques de billets pour essayer de se procurer un peu d'argent liquide. Des émeutes ont éclaté dans les quartiers pauvres de Montevideo, la capitale de l'Uruguay. Le 31 juillet, une cinquantaine de personnes se sont attaquées à un supermarché aux cris de " On est dans la misère. Nos fils n'ont rien à manger ", dévalisant les rayons et emportant l'argent des caisses. Le lendemain, ce sont des groupes de dizaines d'émeutiers qui ont pris d'assaut les magasins de plusieurs quartiers populaires de la capitale. Comme en Argentine, la réponse du gouvernement a été la répression contre ces " pillards qui veulent déstabiliser l'État ", comme les a qualifiés le ministre de l'Intérieur. La police antiémeutes a arrêté les gens par dizaines, a tiré sur les émeutiers. Le 2 août, pas moins de 5000 policiers ont été mobilisés dans tout Montevideo pour prévenir de nouvelles émeutes. D'interminables queues pour obtenir une aide alimentaire se sont formées.

Déjà touchés par la récession depuis plusieurs années (15,6 % de chômage officiellement, les problèmes de sous-emploi concernant en fait près de 54 % de la population), les pauvres d'Uruguay souffrent aujourd'hui de la faim. D'après Libération du 6 août, " la semaine dernière, des institutrices du quartier pauvre de Conciliation, qui s'étonnaient des malaises et diarrhées dont souffrent les bambins le lundi, ont fait analyser leurs matières fécales pour confirmer leurs explications. Le samedi et le dimanche, 80 des 800 écoliers ne mangent que de l'herbe ". Le reste de la semaine, leur seul repas de la journée est bien souvent celui que l'on sert gratuitement à la cantine.

La pauvreté s'accroît sur tout le continent

La population de l'Uruguay est ainsi en train de suivre celle de l'Argentine dans une chute brutale qui menace d'être dramatique. Déjà, en Argentine, après quelques mois de crise, près de la moitié des habitants vivent sous le seuil de pauvreté (moins de 185 euros, soit environ 1200 F, par mois), le chômage touche plus de 21 % de la population et le sous-emploi plus de 18 %, le " panier de la ménagère " a augmenté de 90 % en six mois, des milliers de personnes souffrent de la faim et vivent dans la rue.

Pour arrêter cette descente aux enfers en Argentine comme dans les autres pays d'Amérique latine, les travailleurs, les chômeurs et tous les pauvres ne pourront compter que sur leurs luttes.

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