Dissolution d'un groupe néo-nazi : Le gouvernement fait semblant de lutter contre l'extrême droite02/08/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/08/une1775.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Politiciens

Dissolution d'un groupe néo-nazi : Le gouvernement fait semblant de lutter contre l'extrême droite

Le ministère de l'Intérieur vient d'engager une procédure de dissolution à l'encontre du groupuscule néo-nazi Unité Radicale (UR), le mouvement auquel appartiendrait l'auteur du coup de feu tiré vers Chirac lors du défilé du 14 juillet.

On imagine bien que Sarkozy, qui depuis deux mois ne perd pas une occasion de jouer les matamores, n'allait pas rester sans réaction après la tentative d'attentat contre Chirac - aussi ridicule et vouée à l'échec qu'eût été celle-ci. Mais en annonçant la dissolution du groupuscule, le gouvernement se borne à faire des moulinets avec les bras, en faisant passer cela pour une lutte contre l'extrême droite.

D'abord, c'est donner bien de l'importance à ce groupuscule et à ses semblables que de vouloir l'interdire. Le porte-parole de ce mouvement, un nazillon qui pense que porter un costume-cravate suffit à donner de la respectabilité, ne s'est d'ailleurs pas privé de se réjouir de cette mesure qui sera, dit-il, « un vrai coup de pouce ». Cela permettra effectivement de faire parler un peu de la mouvance néo-nazie en France, qui ne compte selon la police qu'à peine 1500 militants.

Pour le reste, ce ne sont certainement pas les gesticulations de Sarkozy qui seront de quelque influence que ce soit sur le développement des idées d'extrême droite en France. L'histoire a montré que ce n'est pas en interdisant des partis politiques que l'on met un frein à leur développement. La loi sur laquelle s'appuie le gouvernement pour dissoudre Unité Radicale est une loi de 1936, utilisée à l'époque, sans succès, contre les ligues fascisantes... mais qui a aussi servi depuis, sous de Gaulle, contre l'extrême gauche, comme en 1968.

Il a toujours existé dans ce pays une mouvance d'extrême droite violente - dont sont d'ailleurs issus bon nombre des politiciens bon teint de la droite actuelle, comme Madelin ou Devedjian, actuellement ministre de Raffarin. Ordre Nouveau, Occident, le GUD et autres « skinheads » ont toujours existé, à l'échelle groupusculaire, se livrant ici et là à des « ratonnades » ou à des chasses aux communistes dans les universités où ils sévissaient.

Ces groupes réunissent, bien entendu, la vermine fascisante, petits bourgeois haineux ou lumpen-prolétaires qui ne trouvent rien de mieux à faire que de chanter les louanges du IIIe Reich et de l'extermination des Juifs. Mais, pour autant, ils représentent à l'heure actuelle un danger infiniment moins grand pour la société que l'extrême droite dite « classique », que le racisme ordinaire, le recul des idées progressistes et des luttes collectives.

Et dans ce domaine-là, le gouvernement Raffarin non seulement ne combat pas la montée des idées d'extrême droite, mais il les renforce. La politique sécuritaire, les descentes de police dans les cités, les policiers à qui on laisse la bride sur le cou pour provoquer les jeunes et principalement ceux issus de l'immigration : par tout cela, le gouvernement, qui fait mine d'une main de s'attaquer à l'extrême droite la plus radicale, applique de l'autre une partie de ses idées.

Et le Premier ministre lui-même, en allant comme il l'a fait le week-end dernier rendre une petite visite de courtoisie à de Villiers en Vendée, montre qu'il y a des hommes d'extrême droite qui ne le dégoûtent pas.

Alors, aujourd'hui, les groupuscules comme Unité Radicale sont trop insignifiants pour représenter un réel danger. Mais il n'est pas dit qu'ils ne se développent pas à l'avenir, sur le terreau de la misère sociale et de la démoralisation. Ce jour-là, il faudra d'autres armes que des décrets d'interdiction, et il en ira de l'existence même des organisations ouvrières. Dans ce domaine, rappelons qu'en 1936 justement, ce ne sont pas les décrets de dissolution du gouvernement qui ont fait reculer les ligues fascistes, mais la mobilisation, dans la rue et dans les grèves, de millions d'ouvriers, qui surent à l'époque interdire physiquement l'accès des quartiers populaires aux fascistes et les faire rentrer dans leur trou. Une leçon de l'histoire à retenir.

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