Israël-Palestine : Le soutien ouvert de Bush à Sharon28/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1770.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Israël-Palestine : Le soutien ouvert de Bush à Sharon

Le discours de Bush sur le Proche-Orient, lundi 24 juin, " aurait pu être rédigé par le Likoud ", le parti au pouvoir en Israël avec Ariel Sharon. Telle a été l'appréciation d'un des ministres de ce parti après que le président américain eut déclaré que la paix entre Israéliens et Palestiniens " requiert une direction palestinienne nouvelle et différente ".

C'est en effet une prise de position claire et ouverte en faveur du gouvernement israélien. Celui-ci depuis des mois mène une politique de répression brutale dans les Territoires occupés, y poursuit l'implantation de colonies juives, détruit les structures de l'Autorité palestinienne. Devant la recrudescence d'attentats-suicides que provoque sa politique, Sharon continue d'affirmer avec cynisme, et contre toute évidence, que tout cela est de la faute d'Arafat " qui ne combat pas sérieusement le terrorisme " et qu'il voudrait bien faire la paix mais qu'il n'a pas de partenaire... Et, alors que la poursuite de cette politique commence à poser quelques difficultés à Sharon lui-même, voilà que le dirigeant de la première puissance mondiale, le seul qui aurait vraiment les moyens de contraindre le gouvernement israélien à mener une autre politique, vient à la rescousse de Sharon pour dire que, décidément, Arafat ne fait pas l'affaire.

Bush a même appelé les Palestiniens " à élire de nouveaux dirigeants qui ne soient pas compromis avec le terrorisme ", " à bâtir une démocratie concrète fondée sur la tolérance et la liberté " et déclaré que " si les Palestiniens adoptent la démocratie, combattent la corruption et rejettent fermement le terrorisme, ils peuvent compter sur le soutien de l'Amérique pour la création d'un Etat provisoire de Palestine " !

Les Palestiniens, à qui Israël dénie depuis des décades les droits les plus élémentaires à l'existence nationale, en butte tous les jours aux exactions de l'armée israélienne, tout cela dans l'indifférence totale des grandes puissances, Etats-Unis en tête, apprécieront sans doute comme il se doit le soudain souci du dirigeant des Etats-Unis. Le premier dirigeant de ce pays, dont le pouvoir est sans doute le premier exemple mondial de corruption, trouve soudain que dans la situation d'affrontement sanglant entre Israéliens et Palestiniens, il y a urgence... à les voir lutter contre cette corruption et que c'est même une condition pour qu'on leur reconnaisse le droit à un Etat " provisoire ".

Ce discours ubuesque n'a qu'un mérite : celui de reconnaître ouvertement que, dans l'affaire proche-orientale, les Etats-Unis appuient complètement Israël et n'ont pas l'intention de prendre le moins du monde leurs distances d'avec leur allié. Au passage, Bush invoque même des Etats arabes " qui ont proposé leur aide dans ce processus " notamment " sur des questions pratiques telles que la sécurité ", et cite l'Egypte et la Jordanie. Autrement dit, il cherchera à faire pression sur ces Etats - dont les dirigeants sont d'ailleurs certainement prêts à une telle collaboration - pour qu'eux-mêmes fassent pression sur les Palestiniens.

En contrepartie, Bush ne fait que de vagues promesses : " l'Etat provisoire " qu'il promet aux Palestiniens signifie qu'il ne reconnaît même pas ce titre à l'actuelle Autorité palestinienne, et qu'il ne dit même pas quand il pourrait y avoir un Etat qui soit " définitif ". Enfin il déclare que l'occupation israélienne prendra fin, sans fixer la moindre échéance, " avec le retrait d'Israël sur des frontières sûres et reconnues ", expression qui ne signifie nullement le retrait d'Israël de tous les territoires et qui est d'ailleurs la position officielle du gouvernement israélien.

On a vu bien des fois, au cours de sales guerres du type de celle que mène Israël contre les Palestiniens, les occupants déclarer qu'ils seraient prêts à la paix, mais qu'il leur faut en face un autre interlocuteur, d'autres dirigeants que ceux qu'ils ont. On se souvient des dirigeants français au cours des guerres d'Indochine et d'Algérie, ou des Etats-Unis au Viet-Nam, cherchant vainement à susciter une " troisième force " avec qui il aurait été plus facile de discuter qu'avec les représentants des insurgés. Il semble que les dirigeants israéliens soient engagés dans la même politique. Malgré toute la disponibilité dont a fait preuve Arafat à de multiples reprises, nombre de dirigeants israéliens laissent entendre qu'à côté de lui il y aurait d'autres dirigeants palestiniens, qui seraient plus prêts au compromis et qu'il faudrait aider à émerger...

On ne sait qui peut croire à ce type de discours et au fait que les attaques israéliennes contre les Territoires puissent aider des dirigeants palestiniens, modérés, prêts au compromis et qui plus est disposant d'un crédit dans la population, à émerger ! Les actuels dirigeants palestiniens représentent sans doute une mince couche de bourgeois palestiniens, souvent corrompus, peu soucieux en fait des intérêts de leur peuple, mais ce n'est certes pas aux dirigeants israéliens ou américains de s'arroger le droit de les changer. Et surtout, ceux dont ils pourraient susciter l'émergence ne pourraient être que pires.

En fait la politique d'Israël et celle de Bush ne peuvent aboutir qu'à accroître le crédit d'Arafat auprès de son peuple. Dans l'immédiat, mettre comme préalable à la paix le remplacement des dirigeants palestiniens revient tout simplement à repousser aux calendes toute tentative de réglement. C'est ce que fait Sharon, c'est ce que vient d'entériner Bush. Et pourtant ils ne pourront pas continuer indéfiniment à nier ainsi les droits les plus élémentaires à tout un peuple, et cette politique est vouée au même échec que celle de tous les précédents fabricants de " troisièmes forces ".

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