Premier tour : La poussée à droite14/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1768.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Législatives

Premier tour : La poussée à droite

Les trois aspects les plus marquants du premier tour de ces élections législatives sont l'importance des abstentions, la poussée à droite et, à l'intérieur de chaque camp, la prédominance d'un parti hégémonique, l'UMP chiraquienne à droite et le PS à gauche.

Avec 35,62 %, les abstentions atteignent le taux le plus élevé dans une élection législative... depuis 1870.

En recueillant 11 259 909 voix (43,66 % des suffrages exprimés), la droite parlementaire progresse aussi bien par rapport au premier tour de la présidentielle, où les résultats cumulés de Chirac, Bayrou, Lepage, Madelin et Boutin ont été de 9 603 458 votes (33,70 % des suffrages exprimés), que par rapport au premier tour des législatives de 1997, où la droite avait totalisé 9 280 066 voix (36,31 % des suffrages exprimés).

Si la gauche parlementaire (en y comptant le Pôle Républicain de Chevènement), avec 9 662 901 électeurs (37,47 % des suffrages exprimés), retrouve une partie de son électorat, perdu lors du premier tour de la présidentielle, son résultat reste cependant inférieur aux 10 418 579 électeurs des législatives de 1997 (40,18 % des suffrages exprimés).

Le scrutin majoritaire aura évidemment amplifié le succès de la droite et, à l'intérieur de celle-ci, l'hégémonie de l'UMP.

Sur les 43,66 % de votes en faveur de la droite parlementaire, le parti chiraquien fait, à lui seul, 34,23 %. A en juger par les projections faites, il aura la majorité absolue à l'Assemblée, sans avoir besoin des maigres troupes de Bayrou.

Avec 3 218 282 votes (12,48 % des suffrages exprimés), le résultat de l'extrême droite, toutes tendances confondues, est très nettement inférieur aux 5 471 739 voix (19,20 % des suffrages exprimés) obtenues par Le Pen et Mégret au premier tour de la présidentielle. Il est même inférieur aux 3 827 544 voix obtenues par l'extrême droite en 1997.

Bien des commentateurs ont trouvé dans ces chiffres matière à gloser sur l'effondrement de l'électorat d'extrême droite, voire sur la victoire de la " République " ou de la démocratie. Certains même y ont vu le résultat " des mobilisations autour du 1er mai ". C'est tout simplement stupide. Le " vote utile " a aussi joué à droite. Une partie des électeurs du Front National préférant que la gauche soit battue et assurer, dans leurs circonscriptions, l'élection d'un député de droite et, à l'Assemblée, une majorité du même bord, ont reporté leurs votes sur des candidats de la droite parlementaire. Mais ce n'est évidemment pas parce que ces électeurs ont choisi dans ces élections législatives les candidats estampillés par Chirac qu'ils ont changé d'opinion et de préjugés. Ils ont pu le faire d'autant plus facilement que la droite parlementaire et le gouvernement Raffarin qui en est issu reprennent la démagogie sécuritaire et anti-immigrés, la phraséologie sur l'autorité de l'Etat, c'est-à-dire une partie du langage lepéniste. Ce genre de déplacement des votes du Front National vers les candidats de la droite parlementaire n'est pas le signe du recul de l'influence de l'extrême droite sur l'opinion mais, au contraire, une des manifestations de cette influence. Ces électeurs n'en continueront pas moins à influencer les hommes politiques de la droite, à en inspirer le langage et à peser sur la politique du gouvernement Raffarin.

A gauche aussi, le vote utile a fonctionné. C'est principalement le PC qui en fait les frais. Comparer le résultat du PC à la présidentielle à celui des législatives n'a pas beaucoup de signification car, aux législatives, le PC n'était pas présent dans un certain nombre de circonscriptions, et dans d'autres il bénéficiait du soutien du PS. Ce qui est cependant significatif, c'est qu'en recueillant 1 210 913 voix (4,70 % des suffrages exprimés), le PC a vu son électorat se diviser pratiquement par deux en comparaison des législatives de 1997, où il avait réalisé 2 523 405 voix. Le Parti Socialiste, en revanche, tout en perdant un demi-million de voix par rapport à 1997, se maintient en pourcentage.

L'extrême gauche dans son ensemble et les candidats de Lutte Ouvrière en particulier ont subi les contrecoups du glissement général à droite et, dans ce cadre, du vote utile pour le PS. On peut supposer que, pour une grande partie des électeurs d'Arlette Laguiller, confirmer leur vote aux législatives avait d'autant moins de sens que les candidats de Lutte Ouvrière n'avaient pratiquement aucune chance d'être élus. Nombre d'entre eux ont dû rejoindre cette fraction importante de l'électorat populaire qui, découragé, a préféré s'abstenir.

Les candidats de Lutte Ouvrière n'ont recueilli que 304 077 voix (1,21 % des suffrages exprimés), à comparer aux 1 630 045 électeurs (5,72 % des suffrages exprimés) qui se sont prononcés sur la candidature d'Arlette Laguiller. A noter que les candidats de la LCR ont totalisé, de leur côté, 328 620 votes (1,27 % des suffrages exprimés).

La droite est donc assurée de détenir pour cinq ans à la fois la présidence de la République et le gouvernement. La gauche essaie, avant le deuxième tour, de tirer argument de cette concentration du pouvoir institutionnel pour tenter de limiter les dégâts.

Personne ne peut se faire d'illusion sur la politique qui sera menée par la droite. Elle ne s'en cache d'ailleurs pas : ce sera une politique en faveur du grand patronat et des riches. Il est probable que, dès sa mise en place, la nouvelle majorité prendra de nouvelles mesures antiouvrières, qu'il s'agisse d'une augmentation des cotisations des salariés à la Sécurité sociale ou d'une attaque contre les retraites. Mais, si la gauche avait eu la majorité, elle n'aurait pas fait différemment.

Depuis plus de vingt ans que, pour augmenter ses profits, le patronat a déclenché une offensive permanente contre la classe ouvrière en diminuant considérablement la part de cette dernière dans le revenu national, les gouvernements ont toujours accompagné et facilité la politique patronale. Il est même bien difficile de savoir, entre les périodes où le PS a concentré tous les pouvoirs entre ses mains, celles où c'est la droite qui en a fait autant et les périodes dites de cohabitation, quelles ont été les périodes où la classe ouvrière a subi le plus de coups de la part du gouvernement

Mais la classe ouvrière n'est pas plus désarmée face à un gouvernement de droite que face à un gouvernement de gauche. Elle n'a aucune illusion à avoir sur le caractère antiouvrier de ce nouveau gouvernement. L'avenir dépend de sa capacité à retrouver confiance en elle-même dans sa propre action collective. C'est dans ce sens qu'aura à oeuvrer l'extrême gauche ouvrière.

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