L'impasse des urnes14/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1768.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

L'impasse des urnes

La droite sort donc largement victorieuse de ce premier tour des élections législatives marqué par une abstention plus importante que jamais dans ce type d'élection. La droite parlementaire a très fortement progressé par rapport au premier tour de l'élection présidentielle comme par rapport au premier tour des élections législatives de 1997. Elle a bénéficié du recul de la gauche mais aussi de celui du Front National.

Une partie des électeurs du Front National a manifestement choisi de voter dès le premier tour pour les candidats de la droite afin de leur assurer une majorité. Mais cela ne signifie pas que l'électorat d'extrême droite s'est affaibli. Il continuera à peser sur le gouvernement et sur sa politique. Et les premiers gestes du gouvernement Raffarin montrent qu'il n'y a pas besoin de Le Pen pour mener une politique lepéniste.

Le parti chiraquien, l'UMP, aura sans doute à lui seul la majorité à l'Assemblée. La représentation parlementaire de la gauche sera laminée.

Il faut dire que la gauche a tout fait pour que ça soit le cas. La politique qui a été la sienne pendant les cinq ans qu'elle a passés au gouvernement était tellement ouvertement opposée aux intérêts des classes populaires que les deux principaux candidats de la gauche gouvernementale à l'élection présidentielle, Lionel Jospin et Robert Hue, ont perdu quatre millions de leurs électeurs par rapport à 1995. A son bilan gouvernemental désastreux, la gauche a ajouté la honte de faire plébisciter Chirac au deuxième tour de l'élection présidentielle. Il n'est pas étonnant qu'une bonne partie de l'électorat populaire, trompé et déçu, ait choisi de s'abstenir à ces élections législatives. Comme à l'élection présidentielle, c'est le Parti Communiste qui paie le plus cher à cause de son alignement sur le Parti Socialiste qui sauve sa mise au détriment du PC.

La poussée à droite a encore été amplifiée par le mode de scrutin majoritaire - que la gauche n'a pas modifié -, fait pour favoriser les partis les plus forts.

Les candidats de Lutte Ouvrière n'ont pas eu les résultats que nous espérions. Lutte Ouvrière a subi les contrecoups de la poussée à droite, comme des réactions de " vote utile " en faveur du Parti Socialiste.

La droite, assurée de sa victoire, ne cache pas qu'elle mènera une politique antiouvrière ouverte. Elle favorisera les plus riches. Elle cherchera à maintenir les bas salaires, à augmenter les cotisations sociales des salariés, à s'en prendre aux retraites. Et ce n'est pas un gouvernement de droite qui va s'opposer à la toute puissance patronale et, en particulier, aux licenciements collectifs. Mais si la gauche avait été élue, elle aurait fait pareil car, pendant les cinq ans qu'elle a passés au gouvernement, elle a fait pareil.

Les classes populaires n'avaient de toute façon rien à gagner dans ces élections faites pour que les électeurs aient l'illusion d'un changement malgré la permanence de la politique menée.

Gauche-droite, droite-gauche, on nous fait marcher au pas électoral qui n'offre pas d'autre choix que l'alternance des deux grands partis hégémoniques, dont l'un est ouvertement antiouvrier alors que l'autre l'est tout autant, mais hypocritement.

Ce n'est jamais dans les urnes que les travailleurs ont réussi dans le passé à arrêter les coups qui leur sont portés par le grand patronat et le gouvernement. Mais ce que les urnes ne peuvent pas donner, la lutte peut l'imposer. Il faut se souvenir que la dernière grande lutte victorieuse dans ce pays a été menée contre un gouvernement de droite, celui de Juppé.

Ce qui est décisif pour le monde du travail, c'est le rapport de force entre le grand patronat et les travailleurs. Ce rapport de force ne se mesure pas par les représentations parlementaires respectives de la gauche et de la droite.

Alors, après les multiples tours électoraux qu'on nous a joués, ce qui comptera, c'est le troisième tour social. Et que les hommes de droite, qui se préparent à monopoliser tous les pouvoirs institutionnels, se méfient : comme en 1995, ce sera peut-être leur propre arrogance qui déclenchera cette explosion sociale qui les fera reculer, eux et le grand patronat.

Partager