Ascenseurs qui tuent et HLM à l'abandon14/06/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/06/une1768.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ascenseurs qui tuent et HLM à l'abandon

Jean-Louis Borloo, le ministre de la Ville, avait promis de prendre des mesures afin qu'il n'y ait plus jamais d'enfant qui se tue en tombant dans la cage d'ascenseur en mauvais état, dans les HLM de Strasbourg ou d'ailleurs.

Quelques jours après ses déclarations, vendredi 6 juin, dans une cité HLM de Clichy sous-Bois, en banlieue parisienne, une famille de trois personnes n'a échappé à la mort que de justesse. Entendant craquer le câble de l'ascenseur et se trouvant à un palier, elle sortit précipitamment de la cabine, juste avant qu'elle ne s'écrase quatorze étages plus bas.

Il semble qu'il ait fallu la mort du petit Bilal à Strasbourg et les manifestations de colère qui l'ont accompagnée de la part des habitants du quartier de la Meinau (certains avaient notamment confectionné des pancartes reprenant les paroles du père de l'enfant : " Cela n'arrive pas chez les riches "), pour que la presse s'intéresse de plus près à ces drames, et en tout cas pour qu'elle en fasse état. Ainsi, dans le cas de Clichy-sous-Bois, certains journaux ont rappelé - ce dont peu de médias avaient fait état - que, il y a juste un an, dans ce même vieil immeuble fatigué, un garçon de neuf ans avait fait une chute mortelle dans une cage d'ascenseur ouverte sur le vide.

Borloo est à nouveau intervenu en déclarant qu'il fallait " arrêter de poser des rustines dans les cités ". Certes. Un ministre fraîchement nommé dans un gouvernement de droite n'a rien à perdre à se donner l'air de qui veut changer les choses, tout en montrant du doigt le précédent gouvernement, qui était de gauche. Mais la pratique de la pose de " rustines " en guise de réparations massives et à la place d'un entretien réel des HLM qui requiert bien d'autres moyens, cela ne date pas d'hier. En ce domaine, il y a belle lurette que les ministres changent, font des promesses, sans que rien ne change, sinon en pire, car les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, n'ont cessé de laisser se dégrader la situation dans les cités et quartiers populaires.

À cause du chômage, des salaires gelés, de la multiplication des emplois précaires, et aussi parce que tous les gouvernements depuis au moins vingt ans n'ont cessé de soutenir le patronat dans son offensive contre le monde du travail, les revenus réels de la population laborieuse n'ont cessé de baisser. Nombre de bailleurs dits sociaux (les sociétés propriétaires d'HLM) ont vu se dégrader leur trésorerie en même temps que croissaient les impayés et, du coup, ont encore moins que par le passé pu entretenir ces HLM. À cela s'ajoute le fait que, au fil de ces années, les dotations publiques au logement social ont réduit comme peau de chagrin. Et pour les mêmes raisons que celles qui ont conduit à une dégradation constante de tous les services publics : les majorités successives, de droite ou de gauche, ont toutes fait le choix de réserver la majeure partie de l'argent public au financement de toujours plus de cadeaux au patronat et aux classes riches.

Alors, il en va des HLM comme du reste des services à la population : ils sont laissés dans un abandon de plus en plus dramatique, avec des conséquences parfois mortelles. Politiciens et ministres se posent tous plus ou moins en champions de la lutte contre l'insécurité, mais ils n'ont même pas la volonté d'assurer ce minimum que seraient des ascenseurs sûrs dans les immeubles populaires. Faire du concret qui améliore vraiment la vie et la sécurité des gens, et d'abord des plus démunis, c'est bien le cadet de leurs soucis.

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