SIFA Orléans26/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1761.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

SIFA Orléans

Ce qui a mis le feu aux poudres, le jeudi 11 avril, à la SIFA d'Orléans, une usine où nous sommes 600 à produire des culasses d'automobiles en aluminium, ce sont les salaires, mais aussi la colère contre des conditions de travail intolérables. Cela faisait trois semaines que la direction ne proposait que 1,5 % d'augmentation pour les ouvriers, et encore, en deux fois !

Il y avait déjà eu quelques débrayages d'une heure. Le directeur avait répondu en décrétant qu'il n'y aurait pas du tout d'augmentation. Il a dû en rabattre. " Quand on est déficitaire, on ne construit pas de nouveaux chantiers ", disaient certains ouvriers. Ce sont tout autant les conditions de travail, épouvantables, qui ont fait monter la colère. On pouvait entendre, au piquet, des réflexions du genre : " Ici, c'est Germinal ; la retraite, on ne sera pas nombreux à en profiter si on ne change rien là-dedans. Il n'y a qu'à voir ceux qui partent ".

Pour notre sécurité, c'est comme pour les salaires, la direction ne fait rien. Il ne se passe pas une semaine sans un accident. Les hottes d'aspiration des fumées n'étant jamais nettoyées, elles prennent feu " 3 ou 4 fois par an ". Et il faut alors galoper ; les uns, chercher les extincteurs ; les autres, couper l'arrivée du gaz dont les tuyaux courent partout.

Sur certains chantiers, on travaille encore à la coulée à la main, avec des louches de métal en fusion de 15 kg, au rythme d'une louche toutes les trois minutes ! La plupart du temps, les postes les plus pénibles sont confiés aux travailleurs intérimaires. La direction utilise leur précarité et leur fait un chantage permanent, sur la durée des missions, sur l'embauche. " En janvier 2001, il y a eu jusqu'à 300 intérimaires. Aujourd'hui, on est encore 180. Qu'ils ne disent pas qu'ils n'ont pas de fric ", disait un jeune.

Le 11 avril, à 3 h 15, c'est tout le monde qui s'est mis en grève, pour réclamer 400 F d'augmentation. Dès le jeudi, un piquet de grève s'est mis en place, associant tout le monde à la porte, empêchant les camions de rentrer. L'usine a été rapidement bloquée. Et, malgré la pression de la direction, présente nuit et jour au piquet jusqu'au vendredi matin, pour essayer de faire rentrer ceux qui arrivaient au changement d'équipe, nous avons tenu bon, tous ensemble.

A partir du vendredi matin, la direction décidait de fermer l'usine, mettant en fin de mission les intérimaires. Au piquet, tout le week-end, les discussions ont continué, et nous avons été nombreux à avoir pu échanger les mêmes constats, sur l'aggravation de nos conditions de travail dans tous les secteurs.

Le lundi matin, la direction revenait devant l'usine pour continuer sa pression et faire reprendre le travail. Elle avait mobilisé l'ensemble de son encadrement, qu'on a pu voir, dès 8h30, se disperser dans notre piquet, où nous étions presque 300, pour nous diviser. " Ceux qui veulent travailler se mettent de l'autre côté de la route ", entendait-on de la part de quelques cadres. C'est ainsi que nos camarades intérimaires présents au piquet, parce que la direction les avait fait tous rappeler, se sont vus contraints de rejoindre l'encadrement. Mais notre moral, lui, n'a pas faibli, ni notre détermination.

Chaque jour, nous voyions, en face de nous, l' encadrement et les intérimaires, payés à jouer au foot sur le terrain de sport à côté de l'usine, alors que la direction refusait toujours de céder 400 F d'augmentation. Elle s'est fendue de belles déclarations dans les journaux, se prétendant au bord du dépôt de bilan, allant jusqu'à organiser deux manifestations de non-grévistes, qui ont notamment bloqué la Nationale 20, pour réclamer la levée du piquet et le droit d'aller travailler. Et la presse locale s'est largement fait le relais de la direction, reprenant ses propos, allant même jusqu'à écrire que " 50 grévistes bloquaient l'ensemble de l'usine ".

Les manoeuvres de la direction n'ont pas marché. Au piquet, nous sommes restés solidaires et déterminés, jusqu'au jeudi soir 18 avril. Certes, nous avons levé le piquet en obtenant moins que prévu, 2,15 % au lieu des 1,5 du départ. La direction n'a pas cédé à nos revendications. Nous sommes cependant contents de nous être fait entendre, contents d'avoir imposé huit jours de grève pendant lesquels nous nous sommes fait respecter. Nous avons fait grève pour nos salaires, certes, mais aussi pour notre dignité.

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