Le choix entre la peste et le choléra26/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1761.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Le choix entre la peste et le choléra

La peste et le choléra : jamais cette expression populaire n'a correspondu autant à la réalité !

Le Pen est un ennemi avéré des travailleurs et, de plus, il véhicule une idéologie réactionnaire de la pire espèce, qu'il faut absolument combattre.

Chirac est un homme de la droite, ouvertement dans le camp du Medef, c'est-à-dire du grand patronat. Mais, en fonction des circonstances, il est susceptible de se conduire exactement comme Le Pen et Mégret.

Les résultats du premier tour font qu'on va nous demander de choisir entre les deux.

Toute la presse et tous les partis politiques présentent l'éviction de Jospin pour le deuxième tour comme un séisme politique, une catastrophe sans nom, voire une situation jamais vue.

La présence de Le Pen au deuxième tour n'est pas due à une véritable montée de l'extrême droite, contrairement à tout ce que la presse semble dire. En fait, il ne faut pas se démoraliser de ce résultat.

A l'élection présidentielle précédente de 1995, qui a vu l'élection de Chirac, l'extrême droite était constituée de Le Pen et de De Villiers. A eux deux, ils avaient obtenu 19,74 % des suffrages. Aujourd'hui, à ce premier tour, Le Pen et Mégret réunis obtiennent 19,45 %, c'est-à-dire un score inférieur pour l'extrême droite d'aujourd'hui à celui de 1995.

Par ailleurs, Chirac à lui tout seul fait plus que Le Pen. Et ce dernier ne bat Jospin que de 1 % des voix. C'est la loi électorale, destinée à préfabriquer les élections, qui fait qu'un candidat peut être éliminé du second tour à 1 % près.

En fait, tout le problème est que, trop confiants en eux-mêmes et dans leur soutien populaire, les partis de la gauche plurielle, qui gouvernent ensemble depuis cinq ans, se sont présentés séparément à cette élection.

Si le PCF et les Verts avaient été solidaires de leur patron Jospin, ils ne se seraient pas présentés contre lui et aujourd'hui Jospin dépasserait largement Le Pen, de plus de 6 % des voix. Mais ils ont voulu ratisser trop large en présentant des candidatures séparées, et cela leur est retombé sur le nez.

Aujourd'hui ils osent accuser l'extrême gauche, Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire, d'avoir fait chuter Jospin. Mais ce n'est pas l'extrême gauche. L'extrême gauche n'était pas au gouvernement, elle ne devait aucune solidarité à Jospin. Ceux qui pleurent aujourd'hui auraient dû penser plus tôt aux risques qu'ils faisaient courir à la candidature de celui-ci.

Alors, il ne faut pas qu'une seule voix de travailleur aille à Le Pen. Même ceux des travailleurs qui ont voté pour lui au premier tour doivent prendre conscience qu'ils tresseraient la corde, non seulement pour les pendre, mais pour pendre tous les ouvriers, s'ils recommençaient au deuxième tour.

Si Chirac ne battait pas Le Pen, ce serait surprenant, car il sera très certainement élu avec une énorme majorité. A tel point que cela passera pour un véritable plébiscite de sa personne. Il passera pour le sauveur de la démocratie contre le fascisme, pour le sauveur des valeurs républicaines et celui qui a protégé la République. Il passera même pour celui qui a protégé les travailleurs, les syndicats, les militants.

En fait, ce qui est le pire, c'est que cela lui laissera les mains entièrement libres. Il se servira de son score, qui rappellera peut-être les meilleurs scores de De Gaulle, pour se poser en homme providentiel et faire ainsi passer toutes les mesures réactionnaires qu'il ne manquera pas de prendre à l'avenir.

Voilà pourquoi les travailleurs ne doivent pas voter Le Pen. Mais, d'un autre côté, moins Chirac pourra se prévaloir de voix des travailleurs, mieux cela vaudra pour le monde du travail.

Bien entendu, chacun doit faire le choix qui lui semble le plus justifié, mais chacun devra penser à ce que ce choix pourrait entraîner pour l'avenir.

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