Sale guerre et dommages collatéraux19/04/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/04/une1760.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Sale guerre et dommages collatéraux

Qu'en écho aux destructions et aux massacres perpétrés par l'armée israélienne en Palestine, le conflit déborde ici même en France, ne saurait surprendre. Oui il faut mettre fin à cette terreur, et il appartient à tous ceux qui refusent cette sale guerre de manifester leur horreur de la politique de Sharon.

Non il ne faut pas laisser les Palestiniens seuls, il ne faut pas accepter sans mot dire qu'ils se fassent massacrer ou n'aient plus que le choix de survivre sous les décombres des villes de Cisjordanie sous la loi de l'armée israélienne ou de partir. Ni non plus laisser les Israéliens condamnés à être les otages de la politique de leurs dirigeants en étant la proie d'attentats aveugles.

Les actes antijuifs, le développement des préjugés et l'entretien des sentiments de haine en fonction de la religion ou de l'appartenance ethnique ne servent en rien la cause des Palestiniens, quand bien même leurs auteurs ont la prétention de s'en réclamer. Ils ne font que repousser davantage ceux qui se sentent Juifs dans les bras de Sharon et renforcent d'abord son camp. Leurs auteurs veulent ignorer que tous les Juifs ne sont pas, et de loin, acquis à la politique actuellement menée par Israël. Non seulement en France, où certains s'expriment et se retrouvent dans les manifestations de soutien au peuple palestinien, mais aussi en Israël même où existe un courant pacifiste qui s'oppose à Sharon.

Des manifestations importantes ont eu lieu là-bas. Des soldats et même des officiers ont refusé d'aller servir dans les territoires palestiniens, de tirer sur des enfants, de détruire des maisons de fortune dans les camps de réfugiés. Des lycéens de terminale ont écrit pour refuser de s'associer à cette sale guerre. Une fraction de la population israélienne est convaincue que les atrocités de l'armée israélienne ne peuvent qu'entretenir la vague des attentats-suicides dont elle est victime. Elle l'exprime et se prononce pour une autre politique.

Les organisations sionistes pro-Sharon, en France et ailleurs dans le monde, exploitent en leur faveur les agressions contre des Juifs. Le nombre de celles-ci s'est accru ces derniers jours et l'écho dans les médias s'est amplifié, en particulier depuis le week-end de Pâques. Difficile de connaître exactement l'ampleur de cette vague, car les comptes additionnent des exactions très diverses - inscriptions insultantes, agressions physiques, tentatives d'incendies - et parfois des incidents dont l'origine s'est révélée par la suite accidentelle. Et difficile de savoir si la multiplication dans les journaux d'interviews de jeunes ou de moins jeunes de cités de banlieue tenant des propos antijuifs, correspond à un état d'esprit qui reste encore l'exception ou s'il tend à se répandre. Toujours est-il qu'avant même cet accroissement - plus qu'inquiétant - de propos et d'actes antijuifs, toute une campagne était déjà menée en France par les partisans de Sharon. Elle consistait à laisser entendre que ce pays qui ne soutenait pas assez la politique d'Israël était devenu un pays antisémite... et pour certains même, qu'il ne restait plus en conséquence aux Juifs de France qu'à émigrer en Israël.

C'est en surfant sur cet état d'esprit que les dirigeants du C.R.I.F. ont tenté et réussi à entraîner un grand nombre de Juifs derrière eux dans une manifestation qui, sous couvert de réprobation des exactions et du climat d'hostilité développé contre la communauté juive, se voulait un franc soutien à la politique du boucher Sharon. En somme le chantage : " si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous ". Qu'ils aient été débordés par le Betar ou la LDJ, organisations d'extrême droite juives - leurs nervis s'en sont pris physiquement à ceux qui essayaient de faire entendre une voix pacifiste dans cette manifestation et à des passants de type arabe - est, quoi qu'ils en disent, aussi de leur responsabilité.

Devant la montée de ces antagonismes et affrontements dits " intercommunautaires ", des voix s'élèvent. Dont celles des responsables politiques, de Jospin, de Chirac. Ils prêchent pour la paix civile en France. Ils dénoncent les attentats contre les édifices de culte qu'ils considèrent comme sacrés et mettent en avant sous prétexte de combattre le communautarisme religieux (juif, musulman ou chrétien...) " la communauté nationale ".

Tous ceux qui veulent rejeter et enfermer des êtres humains dans un camp en fonction de la religion, de la race, sont certainement les ennemis de tout le genre humain. Mais ceux qui prônent la communauté nationale et font appel au nationalisme, ne sont pas non plus des amis de celui-ci. Il ne peut y avoir de vraie solution dans aucun cadre communautaire. Et au Moyen Orient pas plus qu'ailleurs. Pour que tous les peuples puissent coexister fraternellement dans cette région, une condition première est la reconnaissance des droits du peuple palestinien à un Etat à l'égal des autres. Mais par delà, il faudra surtout en finir avec la politique des ghettos, fussent-ils des super-ghettos à l'échelle d'un pays, et aussi les frontières, en finir avec tout ce qui a conduit et conduira encore à l'extermination sur la base de l'appartenance ethnique, religieuse ou nationale.

Il faut en finir avec l'ère de la barbarie et entrer dans celle de l'internationale.

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