Le retour aux maisons de correction... une mesure réactionnaire et nocive.29/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1757.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Le retour aux maisons de correction... une mesure réactionnaire et nocive.

Chirac en appelle pour les mineurs " à des centres préventifs fermés pour les délinquants violents en attente de jugement, des centres fermés pour éloigner les multirécidivistes ". Pour Chevènement, il faut " des mesures courageuses : refonte de l'ordonnance de 1945, création de centres de retenue fermés pour les multirécidivistes ". Pasqua revendique de " Refondre l'ordonnance de 1945 concernant les mineurs, créer des centres de rééducation en internat pour les mineurs délinquants récidivistes ". Quant à Jospin, s'il se prononce pour " un traitement vigoureux, humain et intelligent de la délinquance ", il n'en ajoute pas moins : " En revanche, il peut s'imposer le recours à des établissements fermés ayant un objectif de rééducation ". Bref, tous ceux-là sont pour la réouverture des maisons de correction, même s'ils les baptisent d'un autre nom.

Les maisons de correction ont été fermées en 1934, par une assemblée qui n'avait pourtant pas la réputation d'être libérale, après des années de dénonciation des conditions de vie et de travail inhumaines qui régnaient dans ce qu'on appelait alors les " bagnes pour enfants ". Même les gouvernants de l'époque ont dû se résoudre à reconnaître que ces colonies pénitentiaires étaient des écoles de la violence, dont les jeunes sortaient, pour la plupart, bien pires qu'ils n'y étaient entrés.

Quant à l'ordonnance de février 1945, dont les politiciens de droite réclament aujourd'hui " la refonte ", qui interdit l'enfermement des mineurs de moins de 15 ans, mais qui a été amendée 19 fois depuis, elle a donné naissance pour les moins de dix-huit ans aux tribunaux et juges pour enfants et a créé les institutions d'éducation surveillée. Certes, elle n'a rien changé aux conditions économiques et sociales qui peuvent engendrer la délinquance, mais au moins reconnaissait-elle que, pour les mineurs ayant commis un délit ou un crime, les mesures de rééducation peuvent être préférables à la répression et à l'incarcération.

Que de jeunes voyous pourrissent la vie quotidienne dans certaines cités, c'est une réalité que ces cités où vivent les milieux populaires n'ignorent pas. Et pour cause. Ils en sont les victimes. Des forfaits comme celui commis récemment contre un chauffeur de bus qui a été aspergé d'essence puis enflammé, ou le meurtre d'un père de famille d'Evreux qui tentait de protéger son fils contre des racketteurs, sont indignes et monstrueux. Mais il est illusoire de croire que l'enfermement des jeunes délinquants réglera en quoi que ce soit le problème. Et, pour les politiciens qui le proposent, ce ne sont pas les illusions qui les aveuglent mais la démagogie qui les motive. Ils savent, puisque nous le savons tous, que l'enfermement dans des " centres fermés " ne servira à rien. Ils savent que ces centres ne feront que reproduire ce que les maisons de correction avaient créé, que la majorité des jeunes enfermés y apprendront la haine et en ressortiront pour la plupart encore plus violents.

Le problème de la délinquance est intimement lié, même si cela n'explique pas tout, à l'existence dans cette société de l'individualisme et l'égoïsme. Le modèle est donné par ceux qui font de l'argent, et bien souvent de l'argent facile ; et la petite délinquance, l'insécurité, l'incivilité se sont développées avec la montée du chômage et de la précarité, et de la pauvreté, voire la misère que cela engendre. Supprimer le terreau sur lequel se développe cette situation, ce serait faire un grand pas pour qu'elle s'améliore notablement.

Cela coûterait cher, sans doute. D'autant plus qu'il faudrait rattraper le retard en ce domaine, comme dans tous les autres. Mais la situation subie actuellement est bien plus coûteuse, socialement et même financièrement, sauf que ce ne sont pas les mêmes qui payent. Aujourd'hui, ce sont les plus pauvres. Et ce sont aux riches qu'il faudrait faire payer la note.

La répression n'est qu'un alibi commode pour les démagogues de droite, du centre et de la gauche, alors que la réponse ne peut être que sociale.

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