France Télécom : La course à la rentabilité29/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1757.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

France Télécom : La course à la rentabilité

France Télécom vient de défrayer la chronique suite à l'annonce, pour la 1ère fois, de 7 milliards de pertes pour 2001. En réalité, cela est dû à l'achat d'un certain nombre d'opérateurs (dont le britannique Orange et le polonais TPSA, pour ne citer que les plus gros), et aussi de licences UMTS payées à prix fort.

Il n'empêche que, pendant des années, France Télécom a accumulé des milliards de profits tous les ans. D'ailleurs, le PDG Michel Bon a annoncé que, malgré les pertes, France Télécom paierait des dividendes à ses actionnaires, et que pour la 3ème année consécutive il se doublait son propre salaire.

Par contre, pour les salariés dont le nombre baisse régulièrement, cela se traduit par une dégradation continue des conditions de travail, accompagnée d'attaques en règle à l'encontre des usagers devenus " clients ".

Selon la CGT, en cinq ans, entre 1996 et fin 2001, FranceTélécom est passé de 149 000 à 124 000 salariés, par le jeu du non-remplacement des retraites et des préretraites à 55 ans, ainsi que par des départs vers les filiales.

Dans une Lettre d'orientation des ressources humaines publiée en octobre dernier, la direction a annoncé qu'elle veut encore baisser de 6 % en 2002 les effectifs de la maison mère, soit plus de 7000 suppressions d'emplois, invoquant un " très fort durcissement des conditions concurrentielles et économiques ".

Les conditions de travail s'aggravent à coups de réorganisations successives. La direction s'est d'ailleurs vantée qu'en deux ans près de la moitié du personnel avait changé de métier. A chaque fermeture de service, les salariés doivent poser leur candidature ailleurs, avoir une sorte d'entretien d'embauche, pour finalement arriver dans un service où les conditions de travail sont dégradées.

Le seuil d'effectifs au-dessous duquel le risque de panne n'est plus négligeable est dépassé depuis longtemps et le personnel est surmené. Ce n'est guère étonnant puisque, sur 52 000 salariés début 1996, la branche " Réseau " ne comptait plus que 29 000 personnes à la fin de l'année dernière.

Les agences commerciales ne sont pas non plus épargnées. En septembre dernier, France Télécom avait annoncé la fermeture d'une centaine d'entre elles, sur les 650 existantes. Même si elle avait ensuite démenti cette annonce, la réalité est là. Des services à proximité des habitants disparaissent, tandis que des mini-points d'accueil sont créés dans des centres commerciaux, accessibles surtout en voiture. Et tant pis si les files d'attente s'allongent, avec des usagers obligés de rester debout, attendant qu'un employé, lui aussi debout durant toute sa vacation, puisse être disponible. A cela s'ajoute la fermeture des points de paiement où il était possible de payer les factures en espèce.

S'il est plus difficile d'accéder au guichet, on pourrait se dire qu'il est toujours possible de joindre France Télécom... au téléphone. Or un projet de réorganisation du centre d'accueil téléphonique (le 1014) est à l'essai. L'objectif est de parvenir à un accueil instantané des clients intéressants (ceux qui rapportent gros), quitte à faire subir aux autres des temps d'attente importants. A Grenoble, où est testé ce nouveau " service ", France Télécom précise avec cynisme : " Garder les clients qui nous rapportent, traiter les autres demandes mais sans plus, évacuer ceux qui polluent nos flux ".

Ceci dit, le profit sur les " petits " clients n'est pas négligé pour autant. Une association de défense de consommateurs a récemment attaqué les opérateurs de téléphonie mobile - dont France Télécom - en justice, leur reprochant le système de la " première minute indivisible " : même pour quelques secondes de communication, l'usager paye une minute entière. Ainsi, pour un forfait de 6 heures par exemple, le temps de communication réel peut n'être que de 4h15. Cette pratique est d'autant plus choquante que bien des personnes ont opté pour le " portable " à la place du téléphone fixe, pas seulement à cause des commodités qu'il offre, mais du fait que le prix de l'abonnement du " fixe " est devenu prohibitif pour de petits budgets.

Quant aux cabines téléphoniques, elles sont devenues moins rentables du point de vue de France Télécom, du fait des cartes prépayées à d'autres opérateurs et de la régression du trafic due au développement des " mobiles ". En principe, il est vrai, une cabine doit être maintenue pour 1000 habitants, et une cabine supplémentaire par tranche de 1500 habitants. En fait, ces limites sont peu contraignantes, d'autant moins qu'à l'échelle d'une petite commune France Télécom a souvent les moyens de décider seule une suppression.

Et cette politique de rentabilisation est soutenue par l'Etat, encore majoritaire dans le capital de France Télécom !

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