Chirac et Jospin à l'unisson sur les retraites29/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1757.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Chirac et Jospin à l'unisson sur les retraites

"Sur France 2, il (Jospin) souligne ses différences", titrait sans rire Libération, mardi 26 mars, à propos de son intervention télévisée de la veille au soir. Que Jospin cherche à se démarquer de Chirac, alors que trois électeurs sur quatre ne voient guère de différence entre leurs programmes, cela se conçoit. Mais ce lundi 25 mars, encore une fois, la démonstration a été faite du peu qui sépare les duettistes au pouvoir, sur les retraites par exemple.

Interrogé sur l'accord européen que Jospin et Chirac ont récemment signé à Barcelone, accord dont ils ne se sont évidemment pas vantés mais dont on a fini par apprendre qu'il prévoit de repousser de cinq ans l'âge moyen du départ en retraite pour les salariés de l'Union européenne, Jospin n'a trouvé à répondre que : " ...Mais nous avons maintenu le principe de la retraite à 60 ans ". Que voilà un homme à " principes " ! Parce que, dans la pratique, et depuis bien avant le sommet de Barcelone, Jospin s'apprête, comme Chirac, et comme le souhaite le patronat, à " réformer " - c'est le mot que ces gens-là utilisent à contresens - le régime des retraites, c'est-à-dire à l'attaquer par tous les bouts.

Dans le secteur public

On en a eu une illustration quand un journaliste de France 2, citant le ministre des Finances de Jospin, a demandé à ce dernier ce qu'il pensait de " l'harmonisation du régime des retraites entre le privé et le public ". Cette " harmonisation " consistant non pas à revenir - comme la gauche l'avait promis - sur l'allongement de la durée de cotisation des salariés du privé de 37 ans et demi à 40 ans, décidée par Balladur, mais à étendre ce recul aux salariés du secteur public, Jospin a préféré ne pas répondre. Cela, tous les spectateurs ont pu le remarquer.

Mais la réponse, on la connaît, et Seillière, le chef du Medef, aussi, lui qui se félicite de ce qu'il existe un consensus sur ce point entre les deux principaux candidats de la droite et de la gauche. Porter à 40 annuités la durée de cotisation pour tous les salariés, voilà ce que veulent Chirac, Jospin et le patronat ! Voilà ce qu'ils mijotent pour l'après-présidentielle, même si les uns et les autres préfèrent le dissimuler aux électeurs derrière des non-dits et en évoquant une vague " réforme " des retraites.

Plus d'annuités de cotisation

On peut donc entendre les Chirac et Jospin déclarer, la main sur le coeur, qu'il faudrait, dit le premier, " élargir le choix pour l'âge de la retraite ", ou le second prôner " la liberté de choix de la date de cessation d'activité ". Les mots employés, l'hypocrisie et le mépris des salariés que cela recouvre, sont identiques et interchangeables. Car enfin, de quelle " liberté " et de quel " choix " peut-il s'agir ? Les mêmes qu'a un salarié d'aller ou pas se faire exploiter pour gagner sa vie, pour autant qu'il trouve un employeur qui l'embauche. Et là, s'agissant de travailleurs âgés, c'est d'autant plus révoltant que si, après une vie de labeur, tous les travailleurs n'aspirent plus qu'à se reposer, bien peu sont ceux qui pourraient exercer un tel " choix " en pleine " liberté ", en ayant l'assurance d'une retraite décente.

" On ne peut laisser partir des hommes et des femmes à 56 ans, 54 ans, voire 52 ans ", a déclaré Lionel Jospin, dans une interview à des journaux du Sud-Ouest, samedi 23 mars. Mais qu'est-ce que cela veut dire ? Ces travailleurs ne partent pas de leur plein gré, même s'ils sont contents de pouvoir enfin souffler, mais parce qu'ils sont licenciés, mis en pré-retraite, " remerciés " avec une perte de revenus à la clé. Et si " on " ne peut les laisser " partir " précisément dans ces conditions, pourquoi ceux qui en avaient le pouvoir, et d'abord ce gouvernement, n'ont-ils pas interdit ces licenciements, déguisés ou non ?

Ces licenciements, pas plus que les autres, le gouvernement de la gauche plurielle n'a jamais voulu s'y opposer, comme ses prédécesseurs de droite. Tout simplement parce qu'il n'a, comme eux, jamais eu la volonté de s'opposer au patronat.

Quand, maintenant, les Jospin, Fabius, Strauss-Kahn, Martine Aubry, en choeur avec les Chirac, Juppé, Madelin et autres Sarkozy, osent invoquer un gâchis social et humain, ils ne font qu'ajouter l'ignominie à l'hypocrisie.

Les patrons paieront moins...

Car ils savent bien que le patronat n'a aucune envie, surtout dans l'industrie, le bâtiment, là où les tâches sont les plus pénibles, de garder des salariés âgés. Au contraire, ceux qu'il a usés prématurément, le patronat les jette pour s'en débarrasser. En empochant au passage les " aides " à l'embauche de jeunes, ces subventions que les gouvernements successifs ont créées pour aider le patronat à s'offrir une main-d'oeuvre plus vaillante et moins payée. Mais, en prônant la " liberté " d'un départ en retraite retardé, ces politiciens veulent justifier par avance une baisse du montant des retraites... et une économie pour le patronat.

Les salariés, eux, n'auront pas le choix, sinon la prétendue " liberté " de compenser leurs pensions revues à la baisse en souscrivant des contrats par capitalisation. Ces fonds de pension, les organismes financiers en rêvent. Pour les requins de la finance, tous les espoirs sont permis : Seillière ne se réjouissait-il pas ces jours-ci de ce que " l'idée de mettre en place des dispositifs complémentaires de capitalisation a progressé, aussi bien à droite qu'à gauche "...

Partager