Par répartition ou par capitalisation : Les retraites aujourd'hui et demain22/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1756.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Par répartition ou par capitalisation : Les retraites aujourd'hui et demain

Il existe aujourd'hui, en France, trois niveaux de régimes de retraite.

Le régime général de la Sécurité sociale s'applique sur la tranche de salaire inférieure au " plafond " de la Sécu 2 200 euros (14 000 F) par mois. Il permet d'espérer une pension mensuelle maximale d'environ 1 000 euros (7 000 F), mais le montant réel varie en fonction de l'âge du départ en retraite et de la durée des cotisations.

En complément de cette retraite, il y a les régimes complémentaires obligatoires (Arrco pour les non-cadres, Agirc pour les cadres), fondés sur l'acquisition de " points " de retraite. Le " point " coûte de plus en plus cher en cotisations, mais ce système permet théoriquement d'assurer au salarié bénéficiant d'une retraite pleine environ 75 % de son dernier salaire.

Il y a enfin des régimes supplémentaires facultatifs, dits régimes " chapeau ", qui existent surtout dans les grandes entreprises ou la Fonction publique et qui sont bien souvent réservés aux cadres. Le salarié qui en a les moyens peut en outre faire des placements à titre individuel (type assurance-vie) spécialement conçus pour abonder la retraite.

Les deux premiers étages de ce système fonctionnent sur la base de la " répartition ", c'est-à-dire que ce sont les cotisations versées par les salariés en activité qui financent les pensions de ceux qui sont en retraite. Beaucoup de régimes " chapeau " fonctionnent sur la base de la répartition, mais certains sont des systèmes par " capitalisation ", comme la Préfon ou le Cref, deux régimes de complément de retraite de la Fonction publique. Là, ce ne sont pas les cotisations des actifs qui servent à payer les compléments de retraite de ceux qui ne travaillent plus, mais les revenus des investissements faits par les caisses en question. Ces revenus reçoivent une aide de l'Etat sous forme d'avantages fiscaux (comme l'assurance-vie et d'autres produits d'épargne destinés à la retraite).

Tous ceux qui veulent remettre en question le système de retraite par répartition utilisent le même argument. Ils partent du fait que ceux qui sont nés entre 1945 et 1955, relativement nombreux (la génération dite du " baby boom "), vont bientôt arriver à l'âge de la retraite et que les actifs ne seront plus assez nombreux pour financer les retraites de cette génération. Certains évoquent même " un refus de payer des jeunes générations " qui devraient " consacrer la moitié de leur revenu net à payer la retraite de leurs parents ". Ils en concluent qu'on ne pourra pas sauver les retraites de tout le monde, solidairement, et que le mieux c'est de favoriser ceux qui le peuvent, c'est-à-dire les riches, à sauver eux-mêmes leur retraite.

Tout est faux et tendancieux dans ce raisonnement, à commencer par l'argument démographique. S'il est vrai que le nombre d'actifs par rapport aux retraités va diminuer, passant de deux actifs pour un retraité aujourd'hui à 1,2 ou 1,3 en 2040, cela ne signifie pas que la charge pesant sur les actifs va augmenter d'autant. Car les retraités ne sont pas la seule partie de la population qui dépend des actifs, il y a aussi les jeunes qui ne sont pas entrés dans la vie active salariée. Or, compte tenu des tendances démographiques actuelles, la charge totale (retraités jeunes) reposant sur les actifs ne devrait augmenter que de 9 % d'ici 2040. D'autre part, on nous dit que l'augmentation du nombre de retraités signifie qu'il faut augmenter de 4 % les richesses produites à un moment donné par les actifs, consacrées aux retraites. Cela n'a rien d'insurmontable : entre 1960 et 2000, la part des retraites dans les richesses produites est déjà passée de 4 à 12 %, sans que le régime de répartition ne fasse faillite !

En fait, dans les pays qui ont bradé le système par répartition au profit de fonds de pension, le résultat est dramatique : en Angleterre, moins de la moitié des actifs cotisent à un fonds de pension alors que le régime de base, bien insuffisant, ne garantit que 16 % du dernier salaire ; aux Etats-Unis, de 10 à 20 % des retraités vivent aujourd'hui en dessous du seuil de pauvreté.

Enfin, les régimes par capitalisation prônés comme une solution au problème du paiement des retraites sont une arnaque pour de multiples raisons. D'abord, la pression pour l'introduction des fonds de pension vient des milieux financiers, qui voient là d'énormes fonds dont ils pourraient disposer pour spéculer. Les fonds sont même parfois carrément gérés par des escrocs, comme on l'a vu en Angleterre où un million de souscripteurs ont été dépouillés de leur épargne-retraite par le patron de ce groupe de presse Maxwell, plus récemment, avec le scandale Enron aux Etats-Unis. Mais même quand ils sont bien gérés, ces fonds restent soumis aux aléas du marché boursier, des crises, etc. Et il est impossible d'avoir la moindre certitude quant au rendement ou même à la préservation des capitaux accumulés.

Tous ces oiseaux de malheur qui prédisent la faillite catastrophique des caisses de retraite se fondent sur une situation qui perpétue le chômage, comme si cela allait de soi. Mais ils oublient qu'il existe une ressource à laquelle il faudrait s'attaquer : les profits et les richesses accumulées par les gros actionnaires.

Partager