La tournée du vice-président américain au Proche-Orient : Pompier ou incendiaire ?22/03/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/03/une1756.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

La tournée du vice-président américain au Proche-Orient : Pompier ou incendiaire ?

Pendant qu'une relative et très provisoire accalmie succède aux heurts sanglants entre Israéliens et Palestiniens, le vice-président des Etats-Unis, Dick Cheney, est arrivé en Israël, lundi 18 mars. C'était le terme d'une tournée de huit jours dans le Proche-Orient où il a rencontré la plupart des dirigeants arabes amis des Etats-Unis.

Cette tournée l'avait conduit en Jordanie, en Egypte, au Yémen, à Oman, dans les Emirats arabes unis, en Arabie Saoudite, à Bahreïn et au Qatar. Il a évité cependant l'Irak, l'Iran, la Syrie et la Libye qui sont cités, avec la Corée du Nord, dans un document d'état-major de l'armée américaine comme des pays pouvant faire l'objet de sa part de frappes atomiques " dans des circonstances immédiates, potentielles ou imprévues ", en raison de leur hostilité aux Etats-Unis.

A la veille de son départ à Londres, Dick Cheney avait bien été obligé d'atténuer ce recours possible à la bombe atomique et l'éventualité d'une attaque contre l'Irak, en réponse à ceux qui comparaient cette tournée à celle du même Dick Cheney, lorsqu'il était secrétaire de la Défense, il y a douze ans, et qui avait débouché sur l'invasion de l'Irak par la coalition des grandes puissances américaine et européennes, soutenues par les gouvernements réactionnaires arabes.

Imminence d'une attaque ou pas, les pays arabes alliés des Etats-Unis se montrent évidemment réticents à une telle offensive et ont fait savoir qu'ils préféraient de beaucoup que tout soit fait pour que les observateurs de l'ONU reviennent en Irak et éviter une nouvelle intervention militaire aux conséquences imprévisibles. Le roi Abdallah de Jordanie a évoqué le risque de plonger la région " dans une instabilité incontrôlable ". Même son de cloche en Egypte ou dans le Golfe. Même le Koweit, aux premières loges dans la guerre du Golfe contre l'Irak en 1990-1991, s'est prononcé contre une intervention armée. Unanimité donc pour refuser une intervention armée contre l'Irak si cet Etat refuse le retour des observateurs des Nations-Unies, censés vérifier le désarmement irakien.

De son côté l'Irak, qui mène aussi sa campagne diplomatique auprès des dirigeants arabes, s'est dit disposé à accueillir une " mission arabe " qui pourrait examiner tous les sites possibles pour des missiles nucléaires, y compris les palais présidentiels.

Si cette tournée du représentant des Etats-Unis avait pour but de mesurer jusqu'à quel point les dirigeants arabes les plus conservateurs restaient des alliés sûrs, elle a surtout souligné la situation désastreuse de toute la région engendrée par la guerre menée par Israël contre les Palestiniens. Le prince Abdallah d'Arabie Saoudite, artisan de la coalition de 1990-1991 et qui a annoncé récemment son plan de paix pour régler le conflit israélo-palestinien, n'aura pas été le dernier à rappeler à l'émissaire des Etats-Unis que les dirigeants arabes seraient d'autant plus prêts à les soutenir contre l'Irak que ceux-ci auront fait plier l'intransigeance de Sharon en Palestine.

En retour, les dirigeants américains qui, depuis la prise de fonction de George W. Bush, étaient parfaitement indifférents à la politique ultra-répressive menée par Sharon, ont donc estimé utile de manifester quelques signes d'opposition à cette politique. Le Conseil de Sécurité de l'ONU a adopté le 13 mars, à l'initiative des Etats-Unis, la résolution n?1397, qui défend pour la première fois " la vision d'une région dans laquelle deux Etats, Israël et la Palestine, vivent côte à côte à l'intérieur de frontières reconnues et sûres ". Dans la foulée, les dirigeants américains ont invité les dirigeants israéliens à retirer leurs troupes et à effectuer " un retrait complet des zones sous contrôle palestinien ". L'administration Bush a même rejeté une aide militaire additionnelle destinée à Israël, d'un montant de 223 millions d'euros. Et, enfin, Dick Cheney, qui ne rencontrera peut-être pas Arafat, est intervenu, à la demande des dirigeants arabes, auprès de Sharon pour qu'il n'empêche pas Arafat de participer au sommet arabe qui doit se tenir à la fin du mois à Beyrouth (Liban).

Devant ces pressions américaines, les dirigeants israéliens ont donc fait un geste. L'armée israélienne a annoncé qu'elle se retirait des zones autonomes palestiniennes envahies depuis le 28 février dernier, dans la région de Bethléem et au nord de la bande de Gaza.

Faut-il vraiment voir là un tournant, annonçant que les Etats-Unis vont faire pression sur Israël pour arriver à un règlement un tant soit peu équitable pour les Palestiniens ? Il y a trop longtemps que les grandes puissances et les dirigeants israéliens soufflent alternativement le chaud et le froid dans la région pour les croire sur parole. Les dirigeants américains qui viennent de jouer encore tout récemment les incendiaires en Afghanistan n'enfilent maintenant la tenue de pompier en Israël-Palestine que pour mieux préparer un mauvais coup contre l'Irak.

Bush, qui tient à continuer son offensive " contre le terrorisme " ne veut pas être gêné par des initiatives incontrôlées de Sharon. Mais le sort fait aux masses palestiniennes par l'armée d'Israël reste le cadet de ses soucis, et ne change rien en fait à la solidarité fondamentale des dirigeants américains avec les dirigeants israéliens, qui restent dans la région leurs alliés les plus fidèles.

L'intérêt véritable de la population israélienne serait pourtant bien de coexister durablement et pacifiquement avec les Palestiniens et les autres peuples arabes. Mais, pour cela, il lui faudra rompre avec la politique d'agression permanente que mène Sharon et qu'ont menée avant lui, à de brefs intermèdes près, les dirigeants travaillistes.

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