La logique du profit : Un "Total" mépris pour la vie des travailleurs08/02/20022002Journal/medias/journalnumero/images/2002/02/une1750.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

La logique du profit : Un "Total" mépris pour la vie des travailleurs

Fin janvier, le groupe TotalFinaElf a annoncé pour 2001 un bénéfice record de 7,64 milliards d'euros (plus de 50 milliards de francs), en hausse de 11 % sur l'année précédente. Il y a peu de salariés qui ont vu leurs revenus augmenter dans cette proportion l'an passé. D'après son PDG, Thierry Desmarets, la rentabilité des capitaux a atteint 20 % en 2001, c'est-à-dire que c'est cela que rapporte leur placement en actions. Nettement mieux que la Caisse d'Epargne !

La même semaine, se déroulait devant le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence le procès de neuf cadres de Total, accusés d'homicides involontaires à la suite de l'explosion survenue en 1992 à la raffinerie de La Mède, dans les Bouches-du-Rhône, qui avait fait six morts et de nombreux blessés parmi le personnel. Comme on le voit, la justice, quand c'est un grand groupe capitaliste qui est en cause, sait prendre son temps, et aucun des dirigeants financiers de Total n'est évidemment inculpé !

Parmi les victimes, trois des techniciens tués travaillaient dans la salle de contrôle, mise en service en 1953, de l'unité qui a explosé. Cette salle n'a pas résisté. "Total savait qu'en cas d'explosion la salle de contrôle ne résisterait pas" a reconnu au procès l'un des cadres inculpés. L'un des rôles de cette salle était pourtant de servir de centre de décision en cas d'accident.

A l'origine de l'explosion de La Mède, il y a eu, d'après les experts, une fuite de gaz due à la corrosion d'une canalisation. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que celle-ci ait fui : elle n'avait pas été vérifiée depuis douze ans.

Pour les automobiles, la loi exige un contrôle technique au bout de quatre ans, puis tous les deux ans. Mais pour une raffinerie de pétrole, grosse de risques d'incendies et d'explosions, pour ceux qui y travaillent comme pour ceux qui habitent à proximité, les exigences ne sont apparemment pas les mêmes.

La Mède n'a d'ailleurs pas servi de leçon à Total, puisque après la catastrophe survenue en septembre dernier à Toulouse, malgré les tentatives de certains d'invoquer un attentat terroriste, et même de présenter l'un des ouvriers tués dans l'explosion comme l'auteur d'un tel acte, il est maintenant avéré que là aussi c'est le non-respect des règles de sécurité qui est en cause.

Mais financièrement, Total s'en est bien sorti. Il y a eu certes 29 morts à Toulouse, dont la majorité travaillait à l'usine AZF, mais pour Total la facture ne s'élèvera qu'à 1,8 milliard d'euros, dont près de la moitié sera payé par son assurance. Restent 950 millions, une bagatelle en regard des 7,64 milliards de bénéfices annoncés.

Mais ces super-bénéfices, ils viennent justement du mépris dans lequel les dirigeants du groupe tiennent la vie de leurs salariés, celle des gens qui vivent à proximité de leurs usines, et de l'environnement. C'est pour pouvoir faire monter le cours de ses actions, faire le plus de profits possible, que Total investit le moins possible dans la sécurité, et affrète des tankers-poubelles comme l'Erika pour transporter le pétrole brut qu'il raffine.

C'est cela la logique du capitalisme. Pas seulement de la "mondialisation", mais du capitalisme tout court, puisque dans tous les cours de la Bourse, les actions TotalFinaElf font partie des valeurs françaises.

Tous les jours des hommes meurent au travail, sont mutilés, parce que la soif du profit amène leurs patrons à ne pas prendre les mesures que la recherche de la sécurité exigerait. C'est une forme d'insécurité aussi grave que celle qui depuis des mois alimente la campagne de la droite comme celle de la gauche gouvernementale. Mais l'insécurité dans les entreprises, ni les uns ni les autres n'en parlent, parce qu'ils sont au service des assassins qui en sont responsables.

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