Palestine : Des peuples ne peuvent être martyrs sans que toute l'humanité n'en souffre24/12/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/12/une-1744.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Palestine : Des peuples ne peuvent être martyrs sans que toute l'humanité n'en souffre

C'est une véritable guerre qui se déroule en Palestine, une guerre menée par une armée israélienne disposant d'avions, de missiles, d'hélicoptères, de chars et de toute la technologie moderne. En face, il y a un peuple palestinien désarmé, subissant l'occupation israélienne et à qui, il y a quelques années, on a accepté de concéder une caricature d'Etat, l'"Autorité palestinienne", qui n'exerce un semblant de pouvoir que sur un territoire réduit, dispersé en plusieurs entités minuscules, séparées les unes des autres. Ces Territoires, où le chômage et la pauvreté sont catastrophiques, servent de réservoir de main-d'oeuvre pour l'économie israélienne. Mais l'Etat d'Israël a la possibilité à chaque moment de fermer les frontières, couper les Territoires palestiniens les uns des autres et surtout du restant du pays, privant de travail et de ressources ceux qui y habitent.

C'est cette situation insupportable qui a poussé, il y a quatorze mois, la jeunesse palestinienne à la guerre des pierres, l'Intifada. Pour la briser, Israël a choisi l'escalade en bouclant les Territoires palestiniens et en transformant les villes en amas de ruines.

Voilà ce qui conduit un nombre croissant de Palestiniens vers les attentats-suicides, cette arme des désespérés et des faibles. Bien sûr, ces attentats terroristes qui visent à faire des morts et des blessés, y compris dans la population civile israélienne, sont insupportables du point de vue humain. Les organisations intégristes réactionnaires qui les organisent, en approfondissant le fossé de sang qui sépare les deux peuples, poussent le peuple palestinien vers une voie sans issue.

Mais, plus criminels sont encore les dirigeants d'Israël qui mènent une politique symétrique, mais avec les moyens supérieurs d'un Etat. Ils prennent prétexte du terrorisme individuel des opprimés poussés au désespoir pour pratiquer en grand le terrorisme d'Etat, destiné à démontrer aux Palestiniens qu'ils n'ont droit même à cette caricature d'Etat qu'est l'Autorité palestinienne qu'à condition qu'elle se fasse l'instrument docile de l'Etat d'Israël. Un terrorisme d'Etat destiné à ôter tout espoir à un peuple opprimé.

Mais c'est en même temps ôter tout espoir au peuple israélien lui-même. Car, malgré le nombre de morts, malgré les villes dévastées, malgré l'humiliation permanente ou, plus précisément, à cause de tout cela, il y aura inévitablement de nouvelles générations de Palestiniens qui préféreront mourir plutôt que de subir cette vie-là.

Et si les Palestiniens sont condamnés à s'endormir la peur au ventre, ne sachant pas si leurs maisons ne seront pas éventrées la nuit, les civils israéliens sont condamnés à vivre la peur au ventre, en sachant qu'ils risquent leur vie en sortant dans la rue ou en prenant l'autobus.

Les deux peuples israélien et palestinien pourraient pourtant cohabiter fraternellement sur cette terre. Mais il faudrait une tout autre politique de la part de leurs dirigeants respectifs, et avant tout de la part des dirigeants d'Israël qui ont le pouvoir et la supériorité économique et militaire.

L'homme d'extrême droite qui dirige Israël, Sharon, a choisi la politique du pire. Mais il n'a pas choisi tout seul.

Le président américain, George Bush, après avoir évoqué, il y a quelques semaines, l'idée d'un Etat palestinien, est revenu même sur cette concession verbale. Il donne carte blanche à Sharon.

Que deux peuples se perdent dans une guerre interminable ne gêne pas les grandes puissances impérialistes. Leur domination sur le monde repose sur le "diviser pour régner", sur la répression, sur les guerres, sur les massacres.

Ceux qui meurent au Moyen-Orient, victimes du terrorisme d'Etat d'Israël, comme ceux qui meurent dans les attentats-suicides, sont victimes d'un même ordre impérialiste mondial, protégeant la même exploitation dont sont victimes les travailleurs, ici en France comme partout dans le monde. Ne croyons pas que ce n'est tragique que pour les Israéliens et les Palestiniens, c'est tragique aussi pour nous, et c'est pourquoi cela nous concerne aussi.

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