Toulouse : Dans la cité du Parc, après la stupeur, les habitants commencent à s'organiser12/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1734.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Toulouse : Dans la cité du Parc, après la stupeur, les habitants commencent à s'organiser

Après une semaine de stupeur où il a fallu panser ses plaies, réaliser l'ampleur des dégâts et commencer à s'organiser tant bien que mal pour survivre, les habitants de la zone sinistrée du Mirail ont commencé à s'organiser, et à faire entendre une voix discordante dans les concerts de compassion.

Quand on est condamné à vivre à trois familles dans une pièce d'un centre de loisirs, quand on survit dans un appartement dévasté, sans fenêtres, avec des murs branlants ou abattus, on ne supporte plus les discours exhortant à la patience, les promesses à délai indéfini, les colis de savon, de couches et de lait en poudre, et les entretiens avec les "cellules de crise" où on vous fait remplir dix fois la même fiche de renseignement.

Force a été de constater que rien n'avançait, et qu'il était temps de taper du poing sur la table. Ainsi à la cité du Parc, jeudi 4 octobre, une assemblée générale a réuni environ 90 habitants. Sur la question du relogement des habitants évacués, comme sur la question de la remise en état des appartements dévastés, mais habités, aucune des solutions proposées ne sont valides. Il est apparu à tout le monde que seuls les moyens de l'État - appliqués pour une fois dans l'intérêt de la population - pourraient vraiment résoudre ces difficultés majeures. La motion suivante, réclamant la réquisition, fut alors votée à l'unanimité des présents :

"Les habitants des bâtiments B1 et B2, évacués de leurs appartements ont un besoin urgent de retrouver de quoi se loger.

Les habitants des autres bâtiments vivent dans des appartements dévastés, et sans fenêtres.

Les procédures à l'amiable mises en place par les pouvoirs publics sont incapables de résoudre ces problèmes à court terme.

C'est pourquoi nous exigeons que l'État utilise ses moyens pour :

- la réquisition des appartements vides de Toulouse, et leur attribution aux sinistrés.

- la réquisition d'une entreprise de déménagement pour aider les relogés à déménager par les fenêtres avec une nacelle.

- la réquisition d'une entreprise de menuiserie alu et d'une vitrerie pour remplacer en urgence toutes les fenêtres et les vitres cassées."

Ensuite la discussion porta sur les moyens à mettre en oeuvre pour que les autorités répondent à l'urgence de la situation. Seule une occupation d'un bâtiment administratif par les sinistrés semblait une action à la hauteur de la situation, et sur les présents 39 personnes se déclarèrent prêtes à faire cette occupation, jour et nuit. Enfin il fut décidé que nous irions tous à la mairie de quartier le lendemain pour demander des comptes.

C'est donc à une trentaine que nous nous sommes présentés le vendredi en fin d'après-midi à la mairie de quartier. Contacté, le maire-adjoint promit alors de venir le plus vite possible rencontrer les habitants. En attendant nous nous installions, rejoints par une délégation de l'union locale CGT.

Au bout d'une heure, le maire-adjoint arriva, et après nous avoir entendu il nous expliqua ce que la mairie avait prévu pour nous. "Un décret de réquisition des logements a été pris par le préfet, et il va être bientôt appliqué..." nous affirma-t-il.

Ce n'est qu'au détour de phrases alambiquées que l'on comprit que cette réquisition ne s'appliquerait qu'aux logements vacants depuis plus de deux ans, et qu'il convenait donc de vérifier s'ils étaient en état... Quelqu'un fit alors remarquer qu'il suffisait de consulter les hebdomadaires gratuits de Toulouse, le 31 et Publi-Toulouse, pour avoir une liste actualisée d'appartements libres et... en état.

Le maire-adjoint s'engagea alors à ce que tous les gens hébergés dans les centres de loisirs aient un logement avant la fin de la semaine, ce que tout le monde a entendu,... et saura rappeler à l'occasion !

Concernant les déménagements, il dit que la mairie étudiait la possibilité de transférer meubles et affaires personnelles chez un garde-meubles. Certes, mais maintenant il ne s'agit plus "d'étudier la possibilité, mais de FAIRE". Et pour l'instant, ce sont les habitants qui doivent louer des camions, et parfois se heurter à un refus de déménagement des CRS gardant l'immeuble.

Enfin pour les travaux, on apprit que vingt associations (!) avaient été mandatées pour passer dans les appartements faire des états des lieux. Vraisemblablement une mesure susceptible de rallonger les délais de quinze jours supplémentaires !

Les habitants prirent alors la parole et exprimèrent à leur façon, et avec leurs mots, leur ras-le-bol de la situation. Et là, le maire adjoint fut pris de court, les vieilles ficelles de la rhétorique s'avérant parfaitement inopérantes.

Puis les habitants se séparèrent, en se donnant rendez-vous pour une nouvelle réunion dimanche après-midi, où malgré les difficultés de déplacement depuis les centres d'hébergement, ils se retrouvèrent encore à une soixantaine. Là, il fut décidé d'aller au conseil municipal exceptionnel convoqué par le maire Douste Blazy, le lundi matin à la mairie de Toulouse, et de retourner demander des comptes à la mairie de quartier, mardi en fin d'après-midi. La volonté de se faire entendre n'avait pas fléchi, beaucoup se rendant compte que se battre et trouver des solidarités entre nous valait toutes les cellules de soutien psychologique du monde...

Lundi matin nous nous sommes donc retrouvés à la mairie du Capitole pour essayer de prendre la parole. Après bien des discours soporifiques, où la gauche a soigneusement évité de donner la parole aux sinistrés, le représentant de ceux-ci finit par s'emparer d'un micro pour raconter simplement la situation des habitants de la Cité du Parc, son urgence et sa gravité, et pour demander que les pouvoirs publics interviennent par la réquisition, selon les termes de la motion votée en assemblée générale.

Il fut écouté dans un silence de plomb par les conseillers municipaux... et chaleureusement applaudi par le public ! Et, curieusement, le soir dans les centres d'hébergement, des bataillons de représentants de la mairie vinrent discuter avec les réfugiés pour les assurer qu'une solution rapide allait être trouvée, et tout le monde en a conclu que la mairie était inquiète, et que notre lutte commençait à payer.

Et ça ne fait que commencer !

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