Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Un patron qui fait feu de tout bois12/10/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/10/une-1734.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Chantiers de l'Atlantique (Saint-Nazaire) : Un patron qui fait feu de tout bois

La direction des Chantiers de l'Atlantique n'a pas attendu plus de quelques heures après l'annonce des attentats aux Etats-Unis pour prendre une série de mesures. Le 12 septembre au matin, elle annonçait le gel des embauches et des investissements.

A de rares exceptions près, les Chantiers de l'Atlantique ne construisent plus actuellement que des paquebots de croisière destinés à une clientèle américaine. Les bénéfices tirés de cette activité ont été tels ces dernières années qu'une bonne partie des grands chantiers navals européens se sont consacrés exclusivement à la construction de ce type de navires.

Jusqu'en 1998, il ne sortait des cales des chantiers de Saint-Nazaire que deux navires par an. En trois ans, la direction a utilisé tous les moyens possibles pour que ce chiffre soit triplé. Les conditions de travail se sont dégradées, entraînant la mort de deux ouvriers l'année dernière. Le recours systématique à la sous-traitance a conduit à ce qu'il y ait aujourd'hui presque autant d'intérimaires que de salariés en fixe sur le site.

Mais depuis quelque temps déjà, des spécialistes annonçaient que "le boom du marché de la croisière" avait ses limites et que les bénéfices ne pourraient pas s'accroître au même rythme que les années précédentes.

La compagnie Renaissance Cruises fait partie des gros clients d'Alstom puisqu'en trois ans elle a fait construire huit paquebots à plus de 1 milliard de francs pièce. Profitant de l'aide accordée par le gouvernement américain aux entreprises "victimes" des actes de terrorisme, cet armateur n'a pas attendu de perdre de l'argent pour se déclarer en faillite et se débarrasser de ses navires. Cela nous a permis d'apprendre qu'Alstom s'était porté caution d'une partie des emprunts de cette compagnie, en contrepartie d'une association aux bénéfices tirés des croisières. Cette mauvaise publicité a valu à Alstom de voir la valeur de ses actions chuter de 50 % en moins de dix jours.

Depuis, Boissier, PDG des Chantiers de l'Atlantique, tente de faire passer l'entreprise comme sinistrée par les répercussions des attentats. Il a fait se déplacer Kubla, président du conseil des ministres de l'Industrie de l'Union européenne, au chevet du chantier en "difficulté". Ce PDG de choc avait pris ses fonctions en garantissant qu'il saurait faire fonctionner la construction navale sans subvention. Cela lui a permis de justifier sa politique drastique de réduction des coûts. Mais, dix mois après la suppression des aides, il trouve juste à point une autre justification pour les rétablir. Il n'a pas tardé à être relayé par les politiciens de la région, le maire chevènementiste Batteux, le député Evin (ancien ministre socialiste) comme la représentante locale de l'UDF, mais aussi par tous les syndicats y compris la CGT. C'est l'union sacrée autour de Boissier, qui demande au gouvernement français et à l'Europe des subventions et la préférence nationale pour la construction de méthaniers destinés à Gaz de France.

Or on sait, depuis, que la charge de travail aux Chantiers ne baissera pas pendant les deux années à venir, au contraire.

Alstom a, comme les armateurs, engrangé des profits colossaux grâce au marché des croisières. Ces profits sont d'autant plus importants que ni le constructeur ni les armateurs n'auront à rembourser la totalité des prêts contractés pour financer l'achat de ces navires. En effet d'après la Coface, organisme d'assurance du commerce extérieur, c'est l'Etat français qui a cautionné et qui financera la part non payée des navires Renaissance.

Quant à l'action Alstom qui a fait une chute vertigineuse, des journalistes la présentent aujourd'hui comme une très bonne affaire pour qui peut s'en offrir.

L'émotion créée par les attentats est exploitée sans retenue ni vergogne. En arrêtant les embauches, en diminuant l'effectif et avec la complicité du gouvernement pour puiser dans les caisses de l'Etat, les actionnaires d'Alstom n'ont de cesse d'accroître leurs profits sur le dos des travailleurs et de toute la population.

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