Extraits du bulletin "Lutte Ouvrière Grande-Paroisse (AZF) : " édité par des travailleurs de l’usine28/09/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/09/une-1732.gif.445x577_q85_box-0%2C11%2C166%2C227_crop_detail.jpg

Leur société

Extraits du bulletin "Lutte Ouvrière Grande-Paroisse (AZF) : " édité par des travailleurs de l’usine

ON VIT UNE EPOQUE MODERNE (30 juin 1997)

A la Dissolution de l'Urée, l'espèce d'engin à godets utilisé pour ramasser l'urée en grains n'a presque plus de frein. Et il arrive que le seul moyen qui l'arrête avec une certaine efficacité, ce soit lorsqu'il tape dans les murs du silo.

On se demande dans quel paquet de Bonux les grands pontes, qui font ce type d'économies de bouts de chandelle, ont trouvé leur permis de conduire... une usine.

ENCORE UN COUP DE CHANCE (3 novembre 1997)

Samedi au NR (atelier de production d'ammoniac) : fuite de vapeur, à 140 bars, sur les obturateurs. Dimanche : fuite d'hydrogène par la bride d'un capteur thermique qui s'enflamme, un passage de câbles électriques prend feu. La série noire continue.

Il paraît que le patron se fait du souci pour sa place, vu tous les problèmes que subit son joujou depuis des mois. Il est peut-être mal, mais c'est encore nous qui sommes aux premières loges.

Pour Ariane 5, ils ont mis 17 mois pour vérifier que tout était nickel. Nous, on n'est pas pressés, qu'ils prennent le temps qu'il faut, pour ne pas prendre le risque de nous faire sauter !

RAS LE BOL ! (14 décembre 1998)

A ACD ou aux Nitrates, il ne se passe pas un week-end sans qu'il y ait de la casse. La maintenance n'arrête pas d'intervenir. Que ce soit sur des cribles, des pompes ou des tapis aux Nitrates. Que ce soit sur des vis ou des moteurs à l'ACD. En fait, les patrons de Grande-Paroisse ne parlent que de compétitivité tout en se refusant à investir réellement en moyens matériels, en entretien et en effectifs. Tant que ça tient vaille que vaille, ils tirent sur la ficelle en l'usant jusqu'à la corde.

Mais le résultat, ce sont pour nous des manoeuvres en plus, des heures impossibles pour l'entretien, des conditions de travail dégradées (pour nous et ceux de CTRA ou Ponticelli), et des risques liés à l'insécurité des installations.

UN DE PLUS (06 avril 1999)

Sur le chantier de la Mélamine, un ouvrier de Cégélec est passé à travers un faux plancher du local électrique. Il a eu de la chance, il n'a pas été électrocuté, mais il s'est blessé à la jambe.

On nous parlera peut-être de fatalité, ou on nous dira que le risque zéro n'existe pas, etc. Plutôt que de demander à des tas d'ingénieurs d'user leur matière grise sur l'art et la manière de réduire les coûts de production pour le patron, on ferait mieux de leur demander de plancher sur les innombrables problèmes d'insécurité qui nous guettent aux quatre coins de l'usine. Ras le bol de compter sur la chance : on veut gagner notre vie sans risquer de la perdre. Il n'y a aucune fatalité, c'est le patron qui est responsable.

RTT SELON GP : LES 2X12 (06 juin 1999)

Cet été, pour couvrir les absences certains postés ont dû travailler 12h de rang. Cela s'est produit plusieurs fois à l'Ammoniac et une fois à ACD. Il est même arrivé à l'ammoniac qu'entre deux factions de 12h, il n'y ait qu'un repos de 8h. C'est ce qu'on appelle le progrès. Et à part ça, il n'y a aucun problème d'effectif à Grande-Paroisse ? Mais c'est notre peau qu'ils veulent !

DE MAL EN PIRE (20 septembre 1999)

Dans les ateliers l'heure est à l'austérité : il n'y a plus d'argent, ni pour l'entretien ni pour les réparations. On doit bricoler avec des bouts de ficelle. Ce n'est pas encore pour demain qu'aux Nitrates comme à ACD, on n'aura plus l'impression de travailler dans une usine désaffectée.

LES COUPABLES HYPOCRITES (19 mars 2001)

En une semaine, un accident et quatre passages à l'infirmerie. Et la seule chose qu'on trouve à nous dire c'est : "Il faut se reprendre". Eh bien, pour nous, ceux qui doivent se reprendre ce ne sont pas les ouvriers. Ce sont les patrons qui ne parlent que de réductions d'effectifs, de réduction des frais de production, de rentabilité, de profits à tout prix, et... qui ne sont jamais victimes d'accidents du travail.

Ce sont eux les responsables et les coupables.

PAS PRIORITAIRE (13 juin 2000)

Une partie de l'atelier des Nitrates est rongée jusqu'à l'os et, malgré les incidents divers et répétés, rien ne semble prévu. Peut-être verra-t-on un examen des structures des bâtiments concernés ? Et puis, on fera peut-être une commission d'études, qui soumettra ses travaux à un cabinet d'experts qui rendra compte de ses réflexions au patron, s'il a le temps d'écouter, etc.

Il n'y a pas que le nitrate qui ronge. Il y a aussi la rapacité de ces patrons qui n'ont d'yeux que pour la courbe de leurs profits, et tant pis si on fait travailler les ouvriers dans des conditions lamentables, dans des locaux délabrés et insalubres. Investir là-dedans, ça ne rapporte rien.

GP : DANGER ! (17 septembre 2001 : TROIS JOURS AVANT L'EXPLOSION)

Dernièrement à l'ACD, il y a eu 11 passages à l'infirmerie sur deux quarts consécutifs : pratiquement tout le monde y est passé. Cela faisait suite à des émissions de poussières chlorées. Tellement qu'à l'intérieur de la salle de contrôle il fallait garder les masques. Alors, à l'extérieur ! Bilan, des yeux de "mixomatosés", pas dormir de la nuit, et la peur au ventre de remettre ça le lendemain.

Tout cela, parce qu'on répare au dernier moment, ou quand on ne peut faire autrement, ou quand il y a l'argent pour ça. Ils méprisent nos conditions de vie et notre santé. Eh bien, si ça se renouvelle, qu'ils ne s'étonnent pas si on baisse les manivelles.

AZF : totalfinaelf jette trois sous aux victimes

Le PDG de TotalFinaElf a annoncé qu'il allait verser 10 millions de francs à un fonds d'urgence pour les victimes de l'explosion de l'usine AZF Grande- Paroisse de Toulouse. Une honte ! Alors que TotalFinaElf est directement responsable de l'explosion de son usine de Toulouse, qui a fait 29 morts, des centaines de blessés et des dégâts matériels que la préfecture de Haute-Garonne évalue de 6 à 8 milliards de francs, c'est moins qu'une aumône que les dirigeants de cette entreprise, la plus riche du pays, ont osé débloquer.

Il y a quelques mois seulement, les comptes de TotalFinaElf faisaient les titres des journaux, car cette entreprise a réalisé l'an dernier "les plus gros profits jamais réalisés par une entreprise française" : près de 50 milliards de francs de bénéfices (49,85 milliards exactement) pour la seule année 2000, bénéfices en hausse de 127 % par rapport à l'année précédente. C'était d'autant plus remarquable que c'était aussi l'année de la catastrophe de l'Erika, dont TotalFinaElf porte aussi la responsabilité, mais dont il est bien loin d'avoir payé les dégâts. Et cette année, les profits de l'entreprise, pour le premier semestre de l'année 2001, sont en hausse de 27 % sur ceux de l'an dernier ! Quant au PDG du groupe, il gagne plus d'un million de francs par mois, (13,1 millions par an sans compter les stock-options) mais il estime que 10 millions sont bien suffisants pour lee milliers de victimes !

TotalFinaElf, riche à milliards économise de façon criminelle sur la sécurité. Non seulement des accidents mortels ont eu lieu à plusieurs reprises dans ses usines chimiques - deux morts en 1989 dans l'explosion d'une unité de fabrication d'ammoniac dans l'usine Grande-Paroisse du Grand-Quevilly, un mort en 1992 à Elf Atochem de Jarrie en Isère - mais TotalFinaElf a continué à se moquer de la sécurité, y compris dans ses usines chimiques au point de réduire encore et toujours le personnel et de laisser les 300 tonnes de nitrates invendables stockées des années dans un hangar vétuste et inapproprié. Le procureur chargé du dossier a d'ores et déjà affirmé que "le risque d'explosion n'était pas pris en considération de façon majeure au niveau de la sécurité du site" par les responsables de l'usine.

Mettre en jeu la vie des travailleurs et des populations qui vivent à proximité des usines, prendre le risque d'explosions majeures, rejeter en permanence des quantités impressionnantes de déchets industriels dans les fleuves et dans l'atmosphère, voilà comment ces gros industriels réalisent leurs gigantesques profits !

Mais quand il s'agit de payer pour réparer au moins les dégâts matériels - les autres ne sont pas réparables - ces rapaces ne veulent même pas prendre sur leurs bénéfices. Un dizième des bénéfices du groupe suffirait à rembourser les 6 milliards de dégâts. C'est urgent en particulier pour tous les habitants dont les logements ont été ravagés. Mais non, c'est encore trop. Les patrons du groupe vont encore se débrouiller, avec la complicité des pouvoirs publics, pour ne pas payer eux-mêmes la facture. Le comble du cynisme étant de verser ces 10 millions, qui sont comme une insulte jetée à la figure de toutes les victimes.

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