Lire : Le pianiste de Wladyslav Szpilman31/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1728.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire : Le pianiste de Wladyslav Szpilman

Voici un récit écrit en 1946 et jamais publié en France. Il s'agit de l'autobiographie de l'auteur, pendant les années d'occupation nazie à Varsovie.

Szpilman, compositeur et pianiste juif polonais de renom, décédé en 2000, appartenait à la petite bourgeoisie, relativement aisée. La guerre frappa de plein fouet sa famille. Du jour au lendemain, Szpilman passa du statut de pianiste officiel de Radio-Varsovie à celui de prisonnier dans sa propre ville.

Petit à petit, au fil des pages de ce récit sans fioritures, on voit l'étau se resserrer sur la population juive de Varsovie, bientôt enfermée, à 500 000, dans le ghetto. Szpilman collabora avec la résistance qui s'organisa dans le ghetto, collecta des fonds et des armes. Puis, en 1942, vint le temps de la "solution finale", des grandes rafles, des wagons à bestiaux qui partaient vers les camps d'extermination. Arrêté avec toute sa famille, Szpilman fut sauvé par un policier.

Dès lors, il vécut en reclus, caché dans des greniers et des caves, pendant près de trois ans, totalement coupé du monde, réussissant parfois à sortir la nuit pour aller glaner une croûte de pain et un peu d'eau, restant souvent six ou sept jours sans manger. Finalement, il fut sauvé de la mort par un officier allemand, un homme bouleversé par les atrocités commises par certains de ses compatriotes.

Ce récit ne contient quasiment aucune référence à l'insurrection du ghetto juif de Varsovie - cette révolte qui vit se lever, en 1943, les quelques dizaines de milliers de Juifs survivants parqués dans le ghetto et pas encore déportés au camp de Treblinka. Car Szpilman n'a pas vécu ces événements : il était alors terré dans une petite chambre, en dehors du ghetto, après son évasion. Mais on reste saisi par l'étonnante volonté de vivre de cet homme, qui raconte les journées entières, en plein hiver, passées allongé sur un toit, sans bouger, parce que l'immeuble où il était caché était fouillé par les SS. Et les heures passées, à demi mort de faim, à se réciter en lui-même toutes les partitions de musique qu'il avait eu l'occasion de diriger, instrument par instrument, note par note.

L'intérêt de ce récit réside également dans sa relation de la guerre à Varsovie et de la vie dans le ghetto, notamment sa déception en constatant que, dans cette immense prison, les différenciations sociales ne disparaissaient pas. Il y avait les Juifs pauvres et les Juifs riches, les spéculateurs et les prolétaires. Presque jusqu'au bout, certains faisaient bombance dans des restaurants de luxe, pendant que d'autres mouraient de faim à quelques centaines de mètres. Au début des déportations, encore individuelles, des trafiquants juifs se faisaient payer des fortunes pour que ceux qui en avaient les moyens puissent acheter le droit de ne pas être déportés, au détriment des plus pauvres. Szpilman constata alors amèrement que, contrairement à ce qu'il pensait, les Juifs n'étaient pas tous unis face à l'adversité...

En annexe sont publiées les notes extraites du Journal de l'officier allemand qui sauva Szpilman. Celui-ci fut arrêté par les Soviétiques et mourut sept ans après la guerre dans un camp russe.

Cet ouvrage de Szpilman était introuvable, même en Pologne où il fut interdit après la guerre par les autorités staliniennes... sous prétexte que l'auteur y donnait le beau rôle à un officier allemand. Szpilman fut même contraint, dans la première édition, de transformer cet Allemand en Autrichien pour satisfaire les censeurs du régime pseudo communiste. Aujourd'hui, il est réédité dans sa version initiale.

Le Pianiste, de W. Szpilman, Ed. Robert Laffont, 264 pages, 119 francs.

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