Espagne - Les lois contre les immigrés : Gouvernement de droite et opposition de gauche, complices31/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1728.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne - Les lois contre les immigrés : Gouvernement de droite et opposition de gauche, complices

Le 1er août, la nouvelle législation sur l'immigration votée l'an dernier est entrée en vigueur. Parallèlement, le gouvernement a mis fin, avant la date prévue, aux mesures exceptionnelles de régularisation des sans-papiers mises en place le 6 juin dernier. Fernandez Miranda, délégué du gouvernement aux affaires concernant les étrangers et l'immigration, a déclaré que "désormais on ne peut plus entrer, ni résider, ni travailler illégalement en Espagne".

Il est désormais possible d'expulser un immigré dans un délai de 48 heures, tandis que l'examen des demandes de régularisations ne concerne que ceux qui peuvent prouver leur résidence en Espagne depuis trois ans ; prouver leur intégration potentielle ou réelle au monde du travail ; prouver qu'ils ont une famille en Espagne.

Mais quand on est "sans papiers", on ne peut pas obtenir de contrat de travail et donc avoir une chance d'être "régularisé". Comme en France ou ailleurs, les sans-papiers constituent une main-d'oeuvre condamnée à la précarité et contrainte d'accepter les bons vouloirs patronaux.

Parallèlement s'est développée une forte campagne visant à associer délinquance et immigration. Le ministre de l'Intérieur a établi des procédures judiciaires d'urgence, a recouru à l'expulsion immédiate des immigrés en situation illégale qui seraient accusés d'avoir commis un délit, mettant ainsi en place une sorte de législation d'exception à l'égard des immigrés.

Mais cette politique ne concerne pas que l'actuel parti gouvernemental de droite, le Parti Populaire. Le 6 août la mairie de Barcelone, dirigée par le PSOE, a chassé de la place de Catalogne une centaine d'immigrés, en majorité nigériens, qui campaient là et qui, comme près de 30 000 autres sans-papiers de Barcelone, sont contraints de vivre dans la rue. Cette mesure, qui répondait à un prétendu souci de salubrité, a été prise à un moment où les fonctions de maire étaient temporairement exercées par Inma Mayol, membre d'"Initiative pour la Catalogne-Les Verts", ancien groupe appartenant à la coalition de la Gauche Unie qui appuie le PSOE. La mairie, tout comme le gouvernement de Catalogne se sont refusés à loger ces immigrés et à leur donner la moindre nourriture. Pour sa part, le responsable de la mairie a reconnu avoir attendu l'application de la nouvelle loi pour chasser ces sans-papiers de la place. Quant aux socialistes, ils se sont par ailleurs mis d'accord avec le Parti Populaire pour imposer l'expulsion de ces immigrés. C'est ainsi qu'une des dirigeantes socialistes de Catalogne a affirmé que le Parti Socialiste "n'était pas favorable à cette législation mais qu'il faut appliquer la loi" c'est-à-dire procéder aux expulsions.

Après Barcelone où avaient eu lieu divers mouvements de protestation des sans- papiers, des immigrés maghrébins venus d'une petite localité agricole de la province de Cuenca, où ils vivent dans des conditions très précaires et misérables, ont entamé une marche de cent kilomètres jusqu'à la capitale de cette province, installant dans le centre-ville un campement.

Par ailleurs, toute cette législation, toute cette pression hostile aux immigrés et aux sans-papiers se traduisent par un bilan de plus en plus tragique le long des côtes d'Andalousie où des immigrants venus d'Afrique du Nord ou d'autres pays d'Afrique tentent de franchir le détroit de Gibraltar de plus en plus surveillé par la police ou essaient de passer par les lointaines îles Canaries. Pour l'ensemble de l'an 2000, le bilan officiel fait état de 15 365 clandestins arrêtés à l'approche des côtes andalouses ou canariennes, à bord d'embarcations le plus souvent en mauvais état. De plus, officiellement toujours, 54 embarcations ont fait naufrage, entraînant la mort de 200 personnes. Mais chacun sait que ce sont bien davantage d'hommes, de femmes et d'enfants qui périssent en essayant d'entrer en Espagne par les côtes andalouses.

La nouvelle loi risque fort d'aggraver ce bilan déjà tragique. La presse parle de 567 immigrants arrêtés samedi dernier au large de Tarifa, la ville la plus proche du détroit de Gibraltar. Une autre expédition fin juillet a abouti à l'arrestation de 327 immigrants. Un bilan révoltant qui montre avec quelle âpreté les dirigeants des pays européens interdisent l'entrée sur leur territoire aux victimes de la pauvreté qu'ils ont semée dans la majorité des pays du globe.

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