Argentine : Les tortionnaires peuvent dormir tranquilles24/08/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/08/une-1727.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Argentine : Les tortionnaires peuvent dormir tranquilles

La justice argentine a remis en liberté, mardi 14 août, l'ex-capitaine de frégate Astiz, un des principaux tortionnaires de l'époque de la dictature militaire qui a duré de 1976 à 1983. Pendant cette période, 30 000 personnes, pour la plupart des militants de gauche et d'extrême gauche, ont purement et simplement disparu, selon les associations de défense des droits de l'Homme. Une des méthodes des militaires était de torturer les prisonniers pour les faire parler, puis de les transporter en avion pour les larguer, morts ou drogués, dans l'océan, afin de faire disparaître les corps.

Le retour à la " démocratie " en 1984 entraîna des poursuites contre des militaires de second plan, mais cela ne signifia pas pour autant l'arrestation des tortionnaires ni des responsables. Au contraire, une série de lois d'amnistie fut votée qui invoquait le " devoir d'obéissance " pour empêcher toute poursuite contre les militaires. Une loi dite du " point final " permit même de ne plus autoriser la moindre poursuite pour crime ou enlèvement au moment de la dictature. Et aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis 1984 n'a remis en cause ces lois qui laissent en liberté des assassins.

Parmi ceux-ci, Astiz, surnommé " l'ange blond de la mort ", ne s'est jamais caché des ignominies qu'il avait commises. Ses propos outranciers l'ont même conduit à être condamné à trois mois de prison (avec sursis quand même !). Il s'était vanté dans une interview de son rôle dans la répression et avait affirmé " être techniquement préparé pour tuer un homme politique ou un journaliste ". Le motif de sa condamnation était " apologie de crime " et non pas, bien sûr, les crimes réels qu'il a commis, ceux-ci étant couverts par l'amnistie.

Si Astiz était en détention préventive depuis le 1er juillet, c'était sur requête d'un juge italien, les militaires argentins ayant aussi fait disparaître des ressortissants étrangers. Son extradition vient d'être refusée par les juges argentins, ce qui a entraîné sa mise en liberté.

L'Etat argentin, les juges, les militaires, les hommes politiques de la bourgeoisie se sont tous entendus pour protéger les tortionnaires car ils pourraient bien leur servir encore. On connaît fort bien ici ce genre de choses : il n'y a qu'à rappeler l'impunité dont jouissent jusqu'à nos jours les tortionnaires de la guerre d'Algérie. Et ce n'est sûrement pas un hasard si, récemment, on a appris que de nombreux " services spéciaux " d'Amérique latine avaient reçu l'aide et la formation des militaires français dans les années soixante, ceux-là même qui s'étaient fait la main contre la population algérienne.

Les militaires, d'Argentine ou d'ailleurs, n'ont décidément pas grand-chose à craindre de leur appareil d'Etat dont ils sont en fait la colonne vertébrale. Les travailleurs, et notamment les travailleurs argentins qui ont subi directement la dictature et dont les familles ont été persécutées, auraient tout intérêt à pouvoir juger et condamner comme ils le méritent les assassins sous l'uniforme. Mais pour cela, ils ne pourront compter que sur leur propre mobilisation, sans rien attendre de l'Etat bourgeois, de ses politiciens comme de ses juges.

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