Ce gros roman, qui vient d'être réédité dans le Livre de Poche, se situe dans l'Inde des années 1970 et 1980. Les quatre personnages principaux vivent dans une grande ville qui pourrait être Calcutta. L'oncle et le neveu, deux tailleurs "intouchables", pauvres parmi les pauvres, ont quitté leur village, sa misère et les persécutions de caste pour chercher à vivre en ville. Ils trouvent à s'embaucher chez Dina, une jeune veuve qui a du mal à vivre seule, et que son frère cherche à obliger à prendre un mari qu'elle n'a pas choisi. Pour gagner quelques piastres, elle loge le quatrième personnage, Manek, jeune étudiant descendu de l'Himalaya pour suivre ses études.

Autour de ces quatre personnages, l'auteur évoque, de façon vivante et humaine, l'Inde, et sa population pauvre des bidonvilles et des quartiers populaires.

Dina est couturière. "Patronne", elle paye peu ses ouvriers, mais ne gagne guère en travaillant à façon pour de grandes maisons de couture d'Occident qui revendent ce qu'elle coupe avec quelques zéros de plus, et en dollars ! Et derrière la dureté apparente des rapports entre les gens, la solidarité entre les petits est la plus forte.

La vie est difficile, dans "la plus grande démocratie du monde". Il vaut mieux ne pas trop insister pour exercer son droit de vote au village, ni tenter de goûter à la liberté d'expression dans les universités. Dans les bidonvilles, les campagnes d'assainissement, surtout s'il y a une opération immobilière prévue, peuvent raser du jour au lendemain le bidonville où les pauvres ont trouvé refuge. Et gare aux campagnes de limitation des naissances, c'est-à-dire de stérilisation forcée !

L'image de l'Inde décrite dans ce roman est sans doute proche de la réalité. C'est là un beau roman, avec des personnages attachants.

Alain LECAIRE

L'équilibre du monde de Rohinton Mistry, Le Livre de Poche, 822 pages, 65 F