Lire - rééditions en livre de poche : Le ventre de New-York de Thomas Kelly27/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1724.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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Lire - rééditions en livre de poche : Le ventre de New-York de Thomas Kelly

Le ventre de New York ce sont les sous-sols de la ville. Les chantiers souterrains - les "caissons" - où des ouvriers mineurs forent des tunnels d'adduction d'eau, dans des conditions de danger, de chaleur, de pénibilité inouïes. On suit dans ce roman une tranche de la vie de deux frères, Billy et Paddy, qui représentent les deux facettes de ce que peuvent devenir des enfants d'ouvriers immigrés aux Etats-Unis.

Billy est ouvrier dans les tunnels, il travaille au fond pour essayer de se payer des études. Et Paddy est un tueur, un homme de main de la mafia irlandaise. Le fil rouge du livre est en fait cette comparaison entre ceux qui gagnent peu à travailler comme des forçats, et ceux qui s'abaissent à gagner plus, sans trop d'effort, en tabassant et en tuant pour le compte des riches.

On découvre dans ce livre des aspects que le capitalisme voudrait bien cacher sur les méthodes de sa réussite. Des ouvriers qui se tuent au travail ; non pas une mafia, mais plusieurs, l'italienne, l'irlandaise, la mafia noire - chacune étant prête à se vendre au plus offrant pour aller liquider un syndicaliste un peu trop revendicatif ou tabasser un chef de chantier qui refuse le racket.

L'on y voit aussi des patrons, des notables, des gens qui reçoivent des prix "d'entrepreneur de l'année" mais qui, quand ils ne sont plus sous le feu des projecteurs, ne craignent pas d'utiliser les services des gangs.

Mais ce qui est le plus touchant dans ce roman, c'est la façon dont l'auteur, lui-même ancien ouvrier des caissons, raconte les conditions de travail et l'esprit qui règne dans l'équipe. Ce sont des hommes que la dureté de leur travail lie solidement. Et même s'ils paraissent cyniques et désabusés ("La solidarité, dit l'un d'eux, c'est un truc que tu trouves que dans le dictionnaire, quelque part entre saloperie et syphilis"), ils sont capables de se mettre en grève le jour où une panne d'ascenseur, provoquée par le patron, prive l'un d'entre eux de soins après une crise cardiaque et entraîne sa mort au fond du tunnel.

L'univers dépeint dans ce livre est violent, à un point parfois presque insupportable. Mais on y trouve aussi des personnages chaleureux, dont Billy lui-même, que son admission dans une université ne fait pas renier sa fierté d'ouvrier. L'auteur, même s'il n'a guère confiance dans les possibilités d'un changement collectif de la société, brosse une galerie de portraits réalistes de l'Amérique d'en bas.

Pierre VANDRILLE

Le ventre de New York de Thomas Kelly, chez Rivages/Noir. 468 pages, 65 F.

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