Gênes : Les assassins de l'ordre27/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1724.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Gênes : Les assassins de l'ordre

Le seul résultat de la mascarade des chefs d'Etat à Gênes est un mort et 500 blessés. Pour que les dirigeants des huit plus grandes puissances du monde se rencontrent dans Gênes, Berlusconi, le nouveau chef du gouvernement italien, allié de l'extrême droite et magnat de la presse, a donné carte blanche à ses forces de répression. Le carabinier qui a tiré a peut-être paniqué. Mais pas ceux qui lui ont donné le pistolet et qui l'ont mobilisé, comme vingt mille autres carabiniers ou policiers, avec pour mission de casser du manifestant, matraquant y compris et surtout les manifestants pacifiques.

Les chefs d'Etat réunis représentent les bourgeoisies des plus grands pays, principales bénéficiaires d'un ordre économique mondial exécrable et inhumain. Un ordre économique basé sur l'exploitation des travailleurs par leur classe capitaliste dans chaque pays, mais aussi sur le pillage du Tiers Monde. Un ordre mondial où tout est fait pour favoriser les grands capitaux et les mettre en situation de rapporter toujours plus de profit, mais qui laisse crever des millions d'êtres humains de maladies, y compris celles que l'on peut soigner, ou tout simplement de faim.

On comprend donc que des milliers de personnes - 200 000 ou plus, peut-être -, de jeunes, aient saisi l'occasion de témoigner de leur dégoût d'un monde injuste et inhumain. Et la violence policière déchaînée contre eux est innommable.

Ceux qui ont manifesté contre le sommet ont voulu s'en prendre à un symbole. Mais, justement, ces sommets, comme bien d'autres rencontres internationales du même type, ne constituent que des mascarades pour la galerie. Rien pour les peuples n'y est fait. Cette fois encore, étant donné le vide des discussions et l'absence de toute mesure concrète autre que celle de débloquer une somme dérisoire pour la lutte contre le sida, n'eussent été les manifestations, personne n'aurait parlé de cette conférence au sommet, si ce n'est pour rapporter le menu des agapes des dirigeants. La seule décision a été de fixer le prochain rendez-vous mondain du même type, loin, dans une vallée inaccessible des montagnes Rocheuses au Canada.

Les "grands de ce monde", qui prétendent représenter leurs peuples par la grâce d'élections démocratiques, ne se font guère d'illusions sur leur popularité. Ce ne sont pas les quelques phrases hypocrites de Chirac, faisant mine de déplorer la misère du monde alors qu'il est en France le serviteur de ceux qui s'en enrichissent, qui le rendront plus populaire, ni lui ni les autres.

Les chefs d'Etat occupent le devant de la scène. Mais ceux qui dirigent, ce sont les grands bourgeois, les patrons de grandes entreprises, les actionnaires de holdings financiers qui, à l'ombre de politiciens plus ou moins démocratiquement élus, exercent une dictature de fer sur l'économie et sur la marche du monde. Ce sont les mêmes que ceux qui, ici en France comme ailleurs dans le monde, licencient sans état d'âme, simplement pour faire monter un peu la valeur de leurs actions, aggravent les conditions de travail, bloquent les salaires, car leur richesse vient de l'appauvrissement de leurs travailleurs. Ce sont eux les responsables du chômage ; eux qui préfèrent spéculer sur les actions si cela rapporte plus que de produire en créant des emplois. Ce sont eux les seuls bénéficiaires d'un système économique dément où même le progrès de la productivité aggrave les inégalités sociales, au lieu de les diminuer.

C'est cette dictature de la classe capitaliste sur l'économie mondiale qui doit avant tout être mise en cause, pas seulement la mondialisation, qui n'en est qu'un des aspects superficiels et qui n'est que le nouveau nom d'un phénomène né avec le siècle précédent. Et il ne suffit pas de la contester symboliquement lors des conférences mondiales, qui vont peut-être même être supprimées sans que rien ne change. Il faut s'en prendre à l'injustice économique, aux super-profits qui engendrent la misère et le chômage. Et cela, c'est ici qu'il faut avant tout le faire. Contre notre propre patronat et notre propre Etat.

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