Gênes et le G8 : Pour Berlusconi, "le bilan est positif"27/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1724.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Gênes et le G8 : Pour Berlusconi, "le bilan est positif"

"Le bilan du sommet est positif", a conclu le 22 juillet le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi à la fin de la réunion du G8 à Gênes, ajoutant, à propos de l'action de la police, qu'il "espère que les Italiens ont apprécié le travail sérieux fait par le gouvernement, et aussi les opérations d'ordre public"... Quant à son ministre de l'Intérieur, Claudio Scajola, il a couvert l'action de la police durant les quatre jours du G8, rejetant toute la faute sur les organisateurs des manifestations, accusés de ne pas avoir su isoler les groupes violents.

Une ville a été placée pendant quatre jours en état de siège, tout le centre érigé en "zone rouge" entouré de grillages, le passage contrôlé par 20 000 policiers. Un carabinier a tué un jeune manifestant de 23 ans de deux coups de pistolet en pleine tête. Durant trois jours, les dizaines, voire les centaines de milliers de manifestants, venus défiler sans intention de s'en prendre à la police ont été en revanche la cible des charges violentes de celle-ci, de ses matraquages et de ses tirs tendus de grenades lacrymogènes. Un détachement de la police a fini par mettre à sac, dans la nuit du 21 au 22 juillet, les locaux mis à disposition des organisateurs des manifestations, le Genoa Social Forum, matraquant sauvagement et arrêtant les militants présents. Des responsables, et même des députés de Rifondazione Comunista ont été eux aussi matraqués et envoyés à l'hôpital... mais Berlusconi et son gouvernement sont contents d'eux et tirent un "bilan positif" !

Evidemment, s'ils considèrent que cet invraisemblable déploiement policier, un mort, 231 blessés et 288 personnes arrêtées, sans parler des dégâts matériels, tout cela finalement est le prix à payer normal pour qu'une réunion-spectacle de huit chefs d'Etat puisse se tenir, c'est l'aveu que ceux-ci n'ont pas d'illusions sur la popularité de leurs initiatives.

C'est sans doute pourquoi Berlusconi a une deuxième ligne de défense : son gouvernement est en place depuis à peine plus d'un mois et, pour ce qui concerne l'organisation du sommet de Gênes, il n'a fait, a-t-il dit, qu'appliquer des dispositions déjà prises par son prédécesseur. Répondant notamment au dirigeant de l'opposition, Rutelli, qui demandait la démission du ministre de l'Intérieur, Berlusconi a souligné que les choix sur le terrain, le choix des responsables de la police, des carabiniers et des différents services, ont été faits par le gouvernement dit de gauche de Giuliano Amato, et que Berlusconi et ses hommes n'ont fait que prendre la suite.

Il est vrai que, sur le plan policier comme sur les autres plans, la politique du gouvernement Amato n'avait rien de fondamentalement différent de celle que Berlusconi est en train de mettre en place. Déjà d'ailleurs, le 17 mars dernier, donc encore sous Amato, la manifestation qui s'était déroulée, à Naples cette fois, contre un autre sommet, le Global Forum, avait donné lieu au même déchaînement de violence policière. Le ministre de l'Intérieur d'alors s'était d'ailleurs défendu de la même façon, en rejetant la responsabilité sur les groupuscules de casseurs.

Que ceux-ci puissent se mêler à une telle manifestation, ce n'est donc pas une surprise et si à Gênes comme à Naples la police a frappé sans distinction l'ensemble des manifestants, c'est un choix délibéré. Le gouvernement, celui de Berlusconi comme celui d'Amato, lui a demandé d'assurer à tout prix la sécurité de la tenue de la réunion au sommet, pas celle des manifestants. Alors il est plus simple pour elle de taper sur ceux-ci sans distinction préalable, à titre préventif pour ainsi dire, partant du principe que mieux vaut des manifestants matraqués ou terrorisés qu'enthousiastes, contents de leur nombre et du succès de leur démonstration.

Y avait-il, comme cela a été dit, des provocateurs parmi les groupuscules violents ? Ceux-ci ont-ils été manipulés, voire infiltrés par la police ? Celle-ci a-t-elle sciemment laissé se dérouler la "casse" pour mieux justifier ensuite sa répression ? Il est possible que ses responsables aient fait de tels calculs, mais ce n'est même pas sûr. En Italie, comme en France, comme ailleurs, la police est un corps spécialement dressé pour se comporter ainsi, et donc prêt à frapper sans distinction tout ce qui conteste de près ou de loin l'ordre établi.

A cela s'ajoute le fait qu'en Italie, pour bien des gens de gauche, la participation à cette manifestation a été sans doute d'autant plus grande que, indépendamment même du G8, elle était la première occasion de se retrouver nombreux dans la rue après l'arrivée au gouvernement de Berlusconi. Et celui-ci préférait donc sans doute qu'il ne reste pas de ces journées l'image d'une manifestation réussie, mais plutôt celle d'un gouvernement ayant rempli ses engagements internationaux en tenant tête victorieusement aux assauts de fauteurs de troubles.

Le jeune carabinier assiégé dans sa jeep et qui a tiré s'est peut-être affolé, mais pas ses responsables, pas ceux qui avaient fait le choix de l'envoyer là avec en main un pistolet à balles réelles. Les responsables policiers, les ministres de l'Intérieur de droite ou de gauche, sont bien conscients qu'ils envoient leurs troupes pour frapper, y compris parfois pour tuer.

Quant aux chefs de gouvernement, les Berlusconi ou les Amato, ils ne sont là, au fond, que pour couvrir tout cela de discours satisfaits et de justifications hypocrites.

Partager