Fonds spéciaux : On nous cache tout, on nous dit rien !06/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1721.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Fonds spéciaux : On nous cache tout, on nous dit rien !

La justice s'interroge , ces jours-ci, sur la provenance des 2,4 millions de francs en liquide (en "petites coupures usagées", comme dans les séries policières) ayant servi à financer des voyages privés de la famille Chirac. Pour le président de la République, la réponse est simple : il s'agit tout simplement de son petit bas de laine personnel, provenant d'économies réalisées au fil des ans, jointes aux "primes perçues en sa qualité de ministre et de Premier ministre", ce qu'on appelle les "fonds spéciaux". Que, depuis 1988, il n'ait plus appartenu à aucun gouvernement prouverait simplement que, chez les Chirac, on sait prévoir les temps de vaches maigres, en conservant un magot dans la lessiveuse, comme dans nos campagnes au temps jadis....

Ces "fonds spéciaux" existent bien. Ils figurent dans les comptes de l'Etat. On en connaît le montant, qui frôle le milliard de francs, dont plus de la moitié est destinée aux "services secrets" (chers services secrets !). Et le reste est versé, selon une répartition mal définie, aux différents ministres qui ont le droit d'en faire l'utilisation qu'ils veulent, sans avoir à rendre le moindre compte sur l'usage qu'ils en font, ni même l'obligation à la fin de l'exercice de rendre "la monnaie des commissions", c'est-à-dire ce qui n'aurait pas été utilisé.

Les différents ministres expliquent que ces fonds sont le plus souvent utilisés à financer des frais de représentation de leur ministère - les "petits fours" de la République ne sont pas bon marché - ou encore à accorder des primes à leurs proches collaborateurs, pour les récompenser de leur harassant travail. Tout cela, sans le moindre contrôle.

Cette pratique est régulièrement dénoncée, en général par ceux qui sont écartés de la gamelle. Et tout aussi périodiquement, ceux qui y ont accès expliquent, d'un air contrit, qu'effectivement, ça n'est pas moral, qu'il faudrait qu'à l'avenir on en revienne à des pratiques plus saines, à plus de transparence... Sans que jamais rien n'ait été changé.

Il s'agit d'un scandale, en effet - un de plus. Tout à fait légal cette fois. C'est de l'opacité instituée, mais en fait l'opacité règne partout, même lorsqu'on est censé savoir. L'opacité est de mise dans les relations au sein du monde politique, dans les relations entre l'Etat et le monde des affaires, voir par exemple l'affaire des frégates. Où passent d'ailleurs les limites entre les affaires d'Etat et le domaine du privé ? Lorsque l'Etat traite avec Alstom, Matra ou Alcatel par exemple, que peut-on savoir de ce qui s'est tramé ? Sans compter - c'est le cas de le dire - l'argent que l'Etat verse à fonds perdus, sous divers prétextes, aux entreprises, par exemple pour les inciter à créer des emplois. Qui sait ce que les patrons ont fait avec cet argent ? Personne. Même pas l'Etat dispensateur de la manne, qui se garde bien de demander des comptes.

L'abolition de toutes ces cachotteries, aussi bien les secrets que les gouvernements s'autorisent, que le secret commercial et bancaire, reste à imposer.

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