Amiante : Une justice et un gouvernement toujours aussi lents à agir06/07/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/07/une-1721.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Amiante : Une justice et un gouvernement toujours aussi lents à agir

Le tribunal des affaires de Sécurité sociale de Nantes a reconnu le 21 juin que les Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire avaient commis "une faute inexcusable" dans trois dossiers de salariés contaminés par l'amiante.

Dans le même temps, la première chambre civile de la cour d'appel de Paris reconnaissait que le préjudice subi par douze victimes de maladies professionnelles liées à l'amiante ayant travaillé à Jussieu "résulte de faits présentant le caractère matériel d'une infraction". Ces victimes devraient en conséquence avoir droit à une indemnisation dont le montant ne sera pas encore fixé tout de suite, mais à la prochaine audience du 5 octobre. La justice est bien lente, mais au moins la cour d'appel a affirmé que "le lien de causalité entre l'affection dont souffre la victime et son exposition à l'amiante dans le cadre de son activité professionnelle dans les locaux de Jussieu n'est pas contestable". Et même pour cela, le Comité anti-amiante Jussieu, créé en 1994, a dû batailler bien longtemps !

L'amiante continue à faire des victimes.

Des études viennent d'être achevées, l'une faite par l'Institut national de la veille sanitaire, l'autre par l'Inserm, qui aboutissent à la même conclusion : 27,7 % des retraités ayant quitté la vie professionnelle entre 1994 et 1996 ont été exposés à l'amiante, avec une durée moyenne d'exposition de 14,6 années. Entre 2000 et 2020, il pourrait y avoir entre 50 000 et 100 000 morts dues à cela. Et ces estimations reposent sur l'hypothèse que le risque d'exposition à l'amiante n'existe plus, ce qui reste bien incertain.

Jusqu'en 1997, une alliance pour couvrir l'action criminelle des industriels de l'amiante

On connaît pourtant depuis le début du siècle les risques liés à l'utilisation de l'amiante. Et depuis les années 1960, on sait que l'inhalation d'amiante entraîne à la longue des cancers, comme les mésothéliomes, pour l'instant incurables, ou des tumeurs des bronches, ou encore une autre maladie des poumons, l'asbestose, qui aboutit à une insuffisance respiratoire grave et irréversible, doublée d'une insuffisance cardiaque. La maladie peut se déclarer des années après l'exposition.

Aux Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire, l'amiante n'a été interdit qu'en 1975 - mais d'après le syndicat CFDT elle aurait été utilisée jusqu'en 1997 - et, dans les usines textiles et cimenteries, qu'en 1977. En Allemagne et en Belgique, les gouvernements interdirent son utilisation en 1980. Mais en France, il fallut attendre plus de 15 ans cette interdiction. Les industriels de l'amiante avaient créé un véritable lobby, dont le Comité Permanent Amiante, pour faire pression sur les scientifiques, la presse, les politiciens et les gouvernements. Pendant toutes ces années, les représentants de cinq ministères, les responsables chargés théoriquement de veiller à la protection des risques industriels, ceux chargés de la santé publique, des représentants mandatés par toutes les confédérations syndicales, des scientifiques, couvrirent les industriels intéressés.

Et encore cette interdiction, officialisée dans les décrets parus le 1er janvier 1997, ne fut pas totale : en particulier les fabricants de freins pour poids lourds purent continuer à empoisonner leurs ouvriers et tous les mécanos et routiers qui avaient à intervenir sur ces garnitures.

Une justice et un gouvernement toujours aussi lents a agir

Heureusement, des victimes continuent de se battre. Mais elles ne sont pas au bout de leurs peines. Entre 2000 et 3000 victimes de l'amiante ont engagé des actions en justice contre leurs employeurs. La reconnaissance de la "faute inexcusable" de l'employeur permet au moins aux victimes d'obtenir une majoration des indemnités.

Mais même quand la faute inexcusable est reconnue par un tribunal, les victimes ne sont pas indemnisées pour autant. Ainsi le 18 juin dernier, le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Brest a reconnu la faute inexcusable pour la direction des constructions navales pour 18 dossiers, mais le tribunal n'a accordé d'indemnisation qu'à trois victimes !

L'Andeva, l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, faisait remarquer que "malgré plusieurs centaines de décisions de commissions d'indemnisation des victimes d'infraction, CIVI, condamnant des employeurs pour faute inexcusable, pas un procureur n'a ouvert d'instruction pénale, pas plus que la ministre de la Justice n'a donné d'orientation générale dans ce sens aux parquets". La justice n'est pas pressée, pas plus que le gouvernement. Un Fonds de garantie des victimes de l'amiante a bien été créé par la loi du 23 décembre 2000 pour dédommager les victimes non indemnisées par la justice. Mais le décret d'application de cette mesure n'a toujours pas été signé ! Donc elle n'est pas appliquée.

Et pendant que gouvernement et justice font traîner en longueur, la liste des victimes s'allonge.

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