Bata - Moussey (Moselle) : Reprise du travail - 19 jours de grève payés... mais l'avenir reste aussi incertain29/06/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/06/une-1720.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Bata - Moussey (Moselle) : Reprise du travail - 19 jours de grève payés... mais l'avenir reste aussi incertain

490 pour la reprise du travail, 215 contre, deux bulletins nuls : 707 travailleurs sur 875 ont participé au vote organisé à bulletins secrets par l'intersyndicale CFDT-CGT-CGC, lundi 25 juin matin. Elle appelait à la reprise du travail sur la base d'un accord obtenu avec la direction qui ne comportait aucune véritable avancée mais acceptait le paiement de l'intégralité des dix-neuf jours de grève.

L'intersyndicale avait tenu à ce que le vote se déroule à bulletins secrets, permettant ainsi aux moins actifs de se faire les arbitres d'un conflit auquel ils avaient peu ou pas participé. Et lors de ce vote du lundi 25, de nombreux salariés qu'on n'avait pas vus depuis dix-neuf jours sont réapparus pour voter. Mais il faut dire aussi que depuis la fin de la semaine dernière, un certain flottement se dessinait parmi les grévistes.

Mercredi 20 juin, 800 personnes avaient manifesté à Metz contre les suppressions d'emplois chez Bata. C'était le double de la semaine précédente, mais, appelée ce coup-ci non seulement par l'intersyndicale de Bata mais par les Unions Régionales CGT et CFDT, elle n'a mobilisé - en dehors des Bata - que les militants syndicaux, surtout de la CGT.

La famille Bata paye grassement le fossoyeur d'emplois

Le lendemain, jeudi 21 juin, au CE tenu à la préfecture de Metz, Bernard Dupont est enfin réapparu. Ce monsieur, PDG de Bata SA, la holding qui coiffe toutes les activités de Bata en France, dont l'usine de Moussey, où il a aussi un poste de direction, avait pris la poudre d'escampette et quitté son domicile de Réchicourt-le-Château, une commune toute proche de l'usine. Il faut dire que dans le rapport secret parvenu aux syndicats début juin, si l'avenir prévu pour tous les salariés de l'usine était l'ANPE, celui de M. Dupont était florissant : un salaire passant de 850 000 F par an à 1,4 million, accompagné d'une prime pouvant aller jusqu'à 6 millions de francs, s'il réussissait à faire en sorte que l'abandon de la production à Moussey ne coûte pas trop cher à Bata.

Et il était même prévu qu'à la fin de son sale boulot Dupont reçoive, s'il quittait le groupe, une indemnité de licenciement de 2,5 millions de francs. Dupont était grassement payé pour expliquer que les salaires, décidément, sont trop élevés en France ! Grassement payé par la richissime famille Bata qui encaisse les profits d'un immense groupe mondial depuis son palais de Toronto au Canada.

Le dépôt de bilan confirmé

Le Comité d'Entreprise du 21 juin a donc confirmé que Bata avait bien organisé le dépôt de bilan. Mais la direction proposait de payer les jours de grève en échange de l'arrêt de la grève et de la libération du dépôt qui sert à alimenter l'ensemble des magasins Bata (non seulement avec des chaussures fabriquées à Moussey, mais venant des quatre coins de la planète).

Les acomptes de juin n'avaient pas été versés et le chantage au paiement des jours de grève en échange de la reprise du travail a marché d'autant plus que l'intersyndicale appelait à la reprise du travail en affirmant dans un tract : "Vous devez savoir que la poursuite de la grève aura pour conséquences : de remettre en cause les résultats de la négociation ; de rendre incertain l'avenir du site et les possibilités de poursuite de l'activité ; de réduire au minimum les indemnités en cas de liquidation judiciaire", même si le tract rajoutait "le combat ne fait que commencer".

Le dépôt de bilan interviendra début juillet, avec nomination d'un administrateur judiciaire qui aura entre trois et dix-huit mois pour proposer des solutions. Pour l'instant, 250 emplois - au mieux - seraient maintenus. C'est dire qu'il y aura au moins 600 licenciements. Bata s'est engagé à aller "au-delà des dispositions légales" pour le plan social à venir mais en se gardant bien d'avancer le moindre chiffre.

Ce n'est pas fini

Nous savons tous que ce n'est pas parce que Bata perd de l'argent qu'ils ont décidé de fermer l'usine de Moussey. Simplement la famille Bata a choisi d'en gagner encore plus en allant payer encore plus mal que nous des travailleurs d'autres continents. S'il n'y avait pas cette calamité sociale nommée profit, l'usine serait tout à fait viable et pourrait continuer à assurer nos salaires.

La forte minorité, qui a voté contre la reprise, n'est pas résignée. D'ailleurs, mardi 26 juin, si l'intersyndicale avait appelé à franchir ensemble les grilles de l'usine à 7 heures, plusieurs dizaines ne l'ont fait qu'à 7 h 30 voire 8h pour certains. Et certaines chaînes n'ont pas roulé avant 10 h 30 alors que d'autres, qui tournent normalement à 800 paires par jour, n'en ont fait que 200.

Personne n'a le goût à travailler et il n'est pas dit que la famille Bata ne paye pas cher sa rapacité, car rien n'est encore réglé.

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