Les larmes de crocodiles de Franck Riboud20/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1710.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Les larmes de crocodiles de Franck Riboud

Franck Riboud, le PDG licencieur des LU (groupe Danone), continue de pleurer sur son sort dans les colonnes de la presse. Cette semaine, il pose au patron social dans les colonnes du magazine Le Point.

Tout en prétendant que le boycott ne touche guère ses produits, il admet que celui-ci est perceptible dans le Nord- Pas-de-Calais et le trouve tout de même " injuste ".

Il admet avoir fermé quarante usines en vingt ans, mais c'était pour ce qu'il estime une bonne cause : la pérennité de son entreprise. Il prétend n'avoir jamais laissé aucun de ses salariés sur la route. Selon lui, 95 % des salariés licenciés par son groupe se sont vu proposer des reclassements. Quant aux autres, ils auraient " refusé de multiples offres - jusqu'à dix pour certains d'entre eux ! ". Ce serait, toujours selon lui, parce que ces travailleurs licenciés auraient fait " un autre choix de vie ".

On peut les comprendre. Que propose-t-il aux travailleurs de LU qu'il sacrifie sur l'autel de la productivité de son groupe ? Il en licencie 2 500 en Europe, mais il s'apprête à créer 860 postes, dont 250 en Gironde ou en Loire-Atlantique. Les travailleurs licenciés des sites peuvent ainsi demander leur reclassement. Ceux de Calais, par exemple, peuvent demander à se rendre à l'autre bout du pays. Ils auront droit à une prime de déménagement et à une prise en charge de la différence de loyer. Et s'ils n'ont pas envie de quitter leur région d'origine, eh bien ce sera leur " choix de vie ". Tout au plus, dans cet entretien, le patron social s'engage à leur proposer " au moins deux contrats à durée indéterminée dans les environs immédiats ". Et si cela ne leur va pas ? Ce sera leur choix...

Il s'étrangle rien qu'à penser qu'on pourrait interdire aux entreprises de licencier quand elles sont bénéficiaires. Ce serait " absurde ", il veut conserver le privilège de ce qu'il appelle la " destruction créatrice " des emplois. Quant aux mesurettes envisagées par le gouvernement Jospin, notamment l'idée d'une amende ou d'une taxation des entreprises profitables qui licencient, il l'écarte d'un revers de main, estimant qu'en quelque sorte, il a déjà donné : " Avec notre tradition d'accompagnement social, nous nous " autotaxons " déjà ! ".

En fait, le fils Riboud est le digne fils de son père, Antoine, qui a transformé un groupe spécialisé dans l'emballage en verre (BSN) en un géant de l'agro-alimentaire, en rachetant les unes après les autres les marques les plus profitables de ce secteur, jetant au panier les secteurs les moins profitables. Son père avant lui se vantait déjà, en 1989, d'avoir fermé " vingt-et-un fours de verre à vitre " en passant du verre à l'alimentation.

Quant au " social ", il a d'abord été réservé... aux actionnaires et aux plus hauts cadres du groupe. Il avoue ainsi que pour un milliard qu'il répartit entre ses 110 000 salariés en intéressement et en participation, il verse " deux milliards de dividendes " aux actionnaires. Danone fut aussi l'un des premiers à mettre en route le système des stock-options inauguré en 1980. A l'époque, ce système de primes sous forme de distribution d'actions à l'encadrement avait bénéficié à 150 hauts cadres sur un effectif global de 27 000 salariés. Aujourd'hui, les onze plus importants dirigeants de Danone bénéficient d'une prime en action d'une valeur théorique de 11,61 millions de francs par personne qui vient compléter un salaire annuel moyen de 4,42 millions de francs.

Autant dire que Riboud fils, quand il gémit sur son sort, pleure des larmes de crocodile.

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