Ex-Yougoslavie : Un Milosevic peut en cacher bien d'autres13/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1709.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Ex-Yougoslavie : Un Milosevic peut en cacher bien d'autres

Slobodan Milosevic, arrêté à la fin du mois de mars par le nouveau gouvernement serbe de Kostunica, va peut-être finir par être jugé quelque part. C'est certes un criminel, auquel le nouveau régime pourrait chercher à faire porter la responsabilité des catastrophes qui ont frappé le pays et sa population ces dernières années. Mais s'il porte en effet des responsabilités écrasantes, comment pourrait-on considérer isolément le cas de cet homme, parvenu à la tête de la Yougoslavie d'après Tito, et qui ne s'est tout de même pas fait tout seul ?

Milosevic était un cadre, un apparatchik du parti unique de Tito lorsque la fédération yougoslave est devenue ouvertement le terrain d'une lutte pour le pouvoir dans les milieux dirigeants, dans le cadre de la succession de Tito (mort en 1980). Il s'occupait d'affaires bancaires, lié - soit dit en passant - à la Banque franco-yougoslave de Paris, dont le directeur, un ami proche, allait être décoré de la Légion d'honneur en 1989 par Roland Dumas... Avec sa femme, Mirjana Markovic, considérée comme une " idéologue ", ils formaient un couple d'arrivistes sans scrupules. Pour parvenir à la tête de la Ligue des communistes de Serbie (1987), il manoeuvra afin d'écarter son mentor, Ivan Stambolic (lequel a mystérieusement disparu, d'ailleurs, en août 2000), puis tous les autres obstacles au sein de l'appareil.

Milosevic s'appuya sur une certaine démagogie " sociale ", parlant de " révolution antibureaucratique " - la Yougoslavie était en pleine crise économique et sociale -, puis de plus en plus ouvertement il entreprit d'exalter le nationalisme serbe, en particulier à propos du Kosovo. En quoi il reçut l'appui actif d'une grande partie de l'intelligentsia nationaliste, derrière l'écrivain Dobrica Cosic, ainsi que l'appui tout naturel de l'Église orthodoxe serbe.

Milosevic devint président de la Serbie en mai 1989. Toute une nomenklatura ex-titiste, toute une petite bourgeoisie, toute une clique de privilégiés affairistes, appuyés sur une police et des milices parallèles, se retrouvaient en lui. La Serbie était la république la plus forte de la Yougoslavie, mais le phénomène eut son pendant dans les autres républiques.

Les différents chefs, hier certes déjà rivaux mais cohabitant au sein de l'appareil d'État titiste, se mettaient alors ouvertement à se constituer des fiefs sur les bases ethniques qui s'offraient à eux, léguées par l'histoire en partie mais aussi recréées au besoin par des manipulations, des provocations, toute une propagande et toute une intoxication haineuse systématique, auxquelles nombre d'intellectuels prêtèrent leur concours, tandis que des bandes armées s'imposaient par la force aux populations.

Restait aux dirigeants des grandes puissances impérialistes, Européens puis Américains, à donner leur feu vert à la création de nouvelles frontières, en reconnaissant les indépendances des ex-républiques composantes de la fédération yougoslave. Lorsqu'il y eut dans ce cadre des élections pluripartites, en 1990, partout les formations nationalistes locales les remportèrent.

Il était déjà bien clair que la " purification " ethnique allait être l'aboutissement de la logique nationaliste. Le guerre commença en Slovénie, en juin 1991, il y a bientôt dix ans.

Aujourd'hui, le dirigeant croate Tudjman est mort, en Bosnie Izetbegovic s'est retiré du pouvoir, Milosevic est en prison. Mais rien n'est en passe de se régler. Dans toute l'ex-Yougoslavie disloquée, ruinée, ce sont des couches ou des cliques de privilégiés qui détiennent le pouvoir et l'accès à des richesses relevant désormais largement d'une " économie parallèle ", pour ne pas dire de trafics mafieux. La région et ses habitants, toutes populations confondues, ont subi une régression catastrophique et sont plus que jamais la proie des appétits concurrents des groupes impérialistes comme de leurs relais locaux.

Et pour règler tous ces problèmes, il faudra bien plus que le procès d'un Milosevic : une véritable révolution sociale.

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