Danone-LU, Marks et Spencer et les autres : Du boycott à la lutte de tous les travailleurs13/04/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/04/une-1709.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Danone-LU, Marks et Spencer et les autres : Du boycott à la lutte de tous les travailleurs

Les travailleurs du trust LU-Danone utilisent tous les moyens qui sont à leur portée pour se faire entendre, mais aussi pour peser sur les funestes projets de leur direction, et c'est plus que légitime. Leur appel au boycott des produits qu'ils fabriquent est un de ces moyens. Ils veulent à la fois montrer à leur PDG, prétendument social, et aux actionnaires du groupe, qu'ils ne peuvent pas décider impunément de les jeter à la rue, comme un banal emballage de biscuits. Mais ils veulent aussi permettre d'associer à leur lutte tous ceux qui, dans la population laborieuse, peuvent ainsi manifester leur solidarité contre ce sale coup patronal, un de plus. C'est une des façons de donner une ampleur plus grande à leur réaction.

Nicole Notat et d'autres dirigeants de la CFDT ou Marc Blondel de FO discutent sentencieusement de l'opportunité d'une telle action, expliquant qu'elle favorise la concurrence, qu'elle peut même contribuer, en créant des difficultés à l'entreprise, à accroître le nombre de suppressions d'emplois. Avec une telle logique, il faudrait ne jamais rien faire. Car toute grève, toute augmentation de salaire, toute remise en question des conditions de travail se traduisent, c'est du moins ce que les patrons veulent faire croire, par des atteintes à la viabilité de leur entreprise. Il serait plus juste de parler de leurs profits qui seraient écornés. Mais personne ne parle de mettre en cause ces profits, qui sont, eux, sacrés, intouchables.

Il y a aussi ceux qui, tout d'un coup, découvrent que les grosses entreprises exagèrent et qui font assaut d'une indignation d'autant plus bruyante qu'elle est récente. On ne les avait pas autant entendus jusqu'alors : ni lorsqu'il fallait manifester contre les décisions de Renault de fermer son usine de Vilvorde, au lendemain de l'élection de la majorité dite de la gauche plurielle, ni contre l'annonce de suppressions d'emplois par Michelin, ne serait-ce qu'en défilant dans les rues de Paris, à l'époque.

On a vu successivement monter au créneau Jean-Pierre Chevènement, qui ne se souvient sans doute plus qu'il était ministre, il y a peu, dans un gouvernement qui laissait faire les licenciements, en particulier à l'Alstom de Belfort, dont il vient d'être réélu maire. Il a dans un premier temps réclamé que l'on rétablisse la loi qui imposait une autorisation administrative avant de procéder à des licenciements collectifs. Puis il s'est ravisé, demandant que l'on taxe ces licenciements, afin de les rendre plus coûteux pour les entreprises. Le premier secrétaire du PS, François Hollande, a abondé dans le même sens, mais a aussitôt tempéré son propos en expliquant qu'il fallait se garder des " solutions faciles à exprimer, mais pas faciles à appliquer ", " qu'il ne fallait pas penser qu'on va tout cadenasser..., il ne faut pas que les entreprises, lorsqu'elles font des profits, soient dissuadées ". Les Verts appellent au boycott, tels Voynet ou son rival Mamère qui, théâtralement, a affirmé que puisque le boycott était illégal, il était prêt à aller en prison. On a même entendu le libéral Madelin réclamer " zéro licenciement " dans des entreprises qui faisaient des profits. Il est vrai que, sans doute embarrassé par son débordement verbal, il a expliqué, deux jours plus tard, qu'une telle mesure ne s'appliquait pas à Danone-LU qui avait créé plus d'emplois qu'il n'en avait supprimé.

Mais ces bonnes âmes de gauche et de droite semblent oublier qu'ils sont élus, et que certains ont même la majorité au Parlement, qu'ils ont des représentants au gouvernement ! Que n'utilisent- ils donc pas leurs positions pour faire voter une loi qui interdise les licenciements collectifs dans les entreprises qui font des profits ? Parce que ce ne serait pas à l'ordre du jour ? Mais les décisions de Franck Riboud, ou du PDG de Marks et Spencer ne créent-elles pas une situation qui justifie que l'on bouleverse le calendrier ? Une telle loi serait illégale, anticonstitutionnelle, alors que le droit des capitalistes est, lui, parfaitement légal et constitutionnel ? Mais à quoi servent alors des élus qui s'inclinent devant les lois existantes, qui sont destinées, on le constate une fois de plus, à protéger les intérêts des exploiteurs contre les exploités ? A quoi correspondent ces discours compatissants à destination des travailleurs, s'ils ne se traduisent pas par des actes qui permettent à ces travailleurs de se protéger contre l'injustice sociale ?

La réaction des travailleuses et des travailleurs de Danone, de Marks et Spencer, peut, il faut le souhaiter et tout faire pour qu'il en soit ainsi, entraîner un élan de solidarité dans lequel pourraient se retrouver toutes les victimes actuelles et futures des mauvais coups patronaux. Elles sont nombreuses. On peut même dire, sans exagération, que cela englobe le monde du travail dans son ensemble.

Si on peut boycotter Danone, ou telle ou telle entreprise qui fabrique ou vend des produits de consommation courante, il est bien difficile de boycotter l'ensemble de l'économie. Par contre la classe ouvrière, toute la classe ouvrière, aussi bien celle qui produit des biscuits ou des yaourts pour LU-Danone, ou Nestlé, celle qui fait circuler les trains, celle qui, à tous les niveaux fait fonctionner cette économie et qui permet aux Franck Riboud, aux Marks et Spencer, aux Peugeot, aux Michelin et à tant d'autres de s'enrichir et de faire des profits, peut se retrouver ensemble pour imposer des mesures que les responsables politiques qui s'apitoient par opportunisme sur son sort, se refusent à décider.

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