Tours: Grève générale des cliniques privées de la ville : colère contagieuse contre les bas salaires23/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1706.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Tours: Grève générale des cliniques privées de la ville : colère contagieuse contre les bas salaires

Tout a démarré le 1er mars à la Clinique du Parc, spécialisée en gynéco-obstétrique : le personnel a refusé en bloc les 212 F d'augmentation que leur proposait leur patron. La grève totale de l'ensemble du personnel (150 employés) a été immédiatement décidée, ce à quoi le patron a répondu en fermant la clinique, les patients étant évacués vers les autres cliniques et hôpitaux de la région. Non sans problèmes, on l'imagine, cette clinique réalisant à elle seule 3 000 accouchements par an, soit presque autant que tous les hôpitaux publics du département.

La grève totale s'est maintenue pendant sept jours ; les grévistes ont occupé le parc jour et nuit, toutes catégories du personnel ensemble, pour discuter et aussi faire connaître à ceux qui venaient les voir les raisons de leur ras-le-bol : des conditions de travail encore aggravées par les 35 heures et surtout les salaires : de 2 000 à 4 000 F de moins que ceux des hôpitaux publics, à travail égal, ce qui contribue à accentuer la pénurie d'effectifs et le surcoût de travail.

Au cinquième jour de grève, une manifestation en ville, passant par plusieurs autres cliniques privées tourangelles, a commencé à faire discuter parmi le personnel de ces dernières.

Les grévistes du Parc, au bout de sept jours de pressions de toutes sortes (des cadres de l'hôpital, du directeur de l'Agence régionale hospitalière, etc.) pour leur imposer au moins la reprise d'un service minimum, ont fini par décider (à la quasi-totalité des grévistes assemblés) de suspendre le mouvement avec la nomination d'un médiateur. Mais ils réclament toujours une prime immédiate de 1 000 F et 5 % d'augmentation par an pour les quatre années à venir.

Le même jour, à l'initiative de l'Union locale CGT, une centaine d'employés des autres cliniques réunis en assemblée se préparaient à prendre la suite.

En deux jours la grève générale a gagné les six autres cliniques de la ville et, le mercredi 14 mars, une manifestation de plus de cinq cents personnes (sur un millier d'employés au total) scandait "Et un, et deux, et trois mille francs", pour des salaires égaux à ceux du public. Les médecins "qui aiment la clinique, et ont quitté le public, pour faire du blé en quantité" en ont aussi pris pour leur grade dans les chansons composées pour l'occasion. Les manifestants sont aussi allés porter leur soutien, au Palais de Justice, à cent vingt-sept de leurs collègues d'une des cliniques, dont le patron avait réclamé que le tribunal les assigne pour un service minimum (notion qui n'existe pas dans le privé).

La plupart ont repris le travail dès le lendemain avec, au minimum, l'assurance de négociations sur l'augmentation des salaires.

Après des années de silence dans un secteur peu organisé et dispersé et où, pour beaucoup, cette lutte était une première, cette grève générale, à la suite de la longue grève avec occupation de la Clinique du Parc, fera date à coup sûr. Les employés des différentes cliniques (pas tous logés à la même enseigne d'ailleurs) ont appris à se connaître, à comparer leurs salaires, à faire entendre un profond ras-le-bol accumulé.

Ils ont tenté de faire la lumière sur la situation financière des différentes cliniques où ils travaillent : toutes sont dites "à but lucratif", ce qui annonce la couleur. Mais savoir à qui ça rapporte, c'est une autre affaire ! La plupart sont gérées ou possédées par différentes sociétés : une immobilière, une pour les soins ; certaines infirmières sont même directement salariées des médecins de leur service. Bref, des actionnaires qui empochent des bénéfices, il y en a, c'est sûr mais qui, et combien, c'est loin d'être la transparence !

Les patrons, quant à eux, pleuraient qu'ils ne pouvaient se permettre d'augmenter leur personnel, prisonniers qu'ils étaient selon eux du prix de journée fixé par l'Etat. En oubliant seulement de préciser tout ce qu'ils facturent à leur guise, et tout ce qu'ils empochent personnellement !

Quant au ministre de la Santé Kouchner, interpellé lors de sa visite à Blois (en soutien à Jack Lang, c'était juste avant les élections municipales), par une délégation des cliniques de Tours, il leur a simplement signifié que les salaires des cliniques privées n'étaient pas son problème.

En tout cas la révolte des personnels des cliniques privées a mis encore plus en évidence la carence du service public de santé. C'est elle qui permet à tous ces requins des cliniques de faire de l'argent, beaucoup d'argent, sur le dos de leurs patients "lucratifs" et de leurs personnels scandaleusement surexploités.

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