Lire : Le maître d'oeuvre d'Aris Fakinos16/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1705.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

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En 1779, dans le nord de la Grèce sous domination turque depuis 1461, un terrible précipice isole toute une partie du pays. Pour rejoindre les villes et villages situés plus au sud, les paysans et les marchands bravent le danger d'une descente qui n'en finit pas, sur un chemin étroit et escarpé, semé d'embûches renouvelées à chaque intempérie, avant d'amorcer une remontée tout aussi dangereuse, après une brève halte dans une grotte aménagée au fond du goufre par des générations de voyageurs. Tel est le seul moyen de communication à des lieues à la ronde entre les peuples vivant de part et d'autre de ce précipice qui défie les hommes et les divise. Pour communiquer, pour relier une rive à l'autre, il faut risquer sa vie et nombreux sont, en effet, les voyageurs qui chutent et meurent au fond du gouffre.

Pour un brillant architecte comme le maître d'oeuvre Nikitas Tsiakas, cette situation doit finir avec la réalisation d'un pont, dont l'arche emjamberait définivement le gouffre, réalisant enfin un trait d'union entre les peuples, permettant la circulation sans risque des hommes mais aussi des idées. Car même dans cette région retirée de la Grèce, aux confins de l'Empire ottoman, même au prix de difficultés considérables, les idées qui annoncent en Europe la révolution française de 1789 parviennent et confèrent à l'architecte l'audace nécessaire à son entreprise. La construction du pont devient alors, dans l'esprit de son créateur, le symbole du rapprochement entre la Grèce et l'Europe des Lumières, de la conquête de la liberté et de la raison contre l'oppression turque et l'obscurantisme des populations de la région.

Bien des architectes ont essayé avant lui. Sans succès. Mais en réunissant autour de lui les meilleurs bâtisseurs de l'époque, armé des théories les plus modernes et les plus audacieuses venues tout droit d'Europe, il va réussir, ou du moins le croit-il. Car dès que le pont est en place, la voie de passage facile qu'il représente devient la proie de passeurs peu scrupuleux, se hérisse de péages, est livrée à l'arbitraire des plus forts. Le pont ne sera pas ce trait d'union entre les peuples et ce symbole de liberté, mais un obstacle et une nouvelle opportunité d'exploiter ceux qui veulent le franchir.

Ecrit comme une fable philosophique, ce roman se lit comme une aventure, assez désabusée, où le passé renvoie souvent à un présent dont se démarque l'auteur ; un présent qu'il dénonce et dans lequel le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes reste à conquérir.

C.L.

Le maître d'oeuvre d'Aris Fakinos, Editions Fayard, 264 pages, 120 F.

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