Économie en crise, "Croissance" et "récession" deviennent indiscernables16/03/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/03/une-1705.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Économie en crise, "Croissance" et "récession" deviennent indiscernables

La semaine du 12 mars a commencé par des nouvelles de crise boursière internationale. Une crise qui s'ajoute à d'autres, puisque depuis quelques semaines les commentateurs financiers annoncent de jour en jour des baisses importantes du cours des actions. Depuis le début de l'année, l'indice CAC40 qui mesure le cours des 40 principales actions de la Bourse de Paris a perdu 17 %. Bien sûr, ces commentateurs s'empressent d'ajouter que si les actions de grands groupes comme Vivendi, Alcatel ou France-Telecom, qui font par ailleurs des milliards de profits, affichent des baisses spectaculaires, c'est dû aux soubresauts des marchés boursiers américains - et pas à la santé toujours "bonne" de l'économie française.

Et sans doute y a-t-il une part de vrai dans ces explications. Le Nasdaq, par exemple, l'indice des valeurs américaines de haute technologie, qui a entraîné les marchés boursiers du monde entier dans une hausse spectaculaire depuis la fin 1998, est revenu à son niveau de décembre 1998 après une hausse de plus de 300 %. Et les valeurs technologiques ne sont pas les seules touchées puisque le Standard & Poor, un indice beaucoup plus large regroupant les actions de 500 grandes entreprises américaines de tous les secteurs, a suivi la même trajectoire, retombant aujourd'hui aussi à son niveau de décembre 1998.

Mais le fait que les marchés boursiers américains tirent à la baisse les marchés du monde entier après les avoir tirés à la hausse n'explique pas leurs propres soubresauts. Et d'ailleurs il n'y a qu'à voir l'air marri des "experts" contraints de reconnaître que les déboires boursiers américains pourraient entraîner le reste de l'économie mondiale dans une récession, pour mesurer à quel point leurs explications n'expliquent rien, parce qu'ils naviguent dans le noir.

Car il y a encore quelques mois, c'était ces mêmes "experts" qui chantaient les louanges de la "croissance" économique "sans précédent" des USA et de la "nouvelle économie", comme ils disaient, et annonçaient un avenir radieux pour l'économie capitaliste. Aujourd'hui les voilà donc obligés de déchanter.

C'est que, quoiqu'en disent ces "experts" tous chantres dévoués du marché, l'économie capitaliste n'a cessé d'être en crise depuis des décennies. Cette crise peut être plus ou moins visible (au moins dans les pays riches, car dans les pays pauvres elle l'est en permanence), mais elle est toujours présente.

Depuis quinze ans, l'économie mondiale n'a fait qu'aller de crise en crise - du crach de 1987 à la crise financière et boursière japonaise de 1990, puis à la banqueroute spectaculaire du Mexique en 1994 et à la crise financière du sud-est asiatique en 1997, aussitôt suivie des contrecoups de la banqueroute russe de 1998. Chaque fois l'activité spéculative des capitalistes des pays riches fut le facteur déclenchant de ces crises. Mais chaque fois ceux-ci s'en sont tirés, avec d'autant moins de casse que leurs Etats - en prélevant le nécessaire sur les populations laborieuses - ont fait ce qu'il fallait pour payer la note à leur place. Et chaque fois, c'est ce qui a permis à la machine capitaliste de redémarrer.

Bien sûr, si ces crises et ces mouvements spéculatifs qui agitent les marchés boursiers du monde entier n'avaient d'autres conséquences que de permettre aux capitalistes de se délester les uns les autres de leur argent, nul ne s'en soucierait. Mais à chaque soubresaut, l'économie réelle, celle qui fait vivre les hommes et les femmes qui créent des richesses ayant une utilité sociale (contrairement aux coupons des actionnaires), s'en trouve ébranlée par un bout ou par un autre.

Pendant que les "experts" célébraient chacun des redémarrages économiques du passé comme le début d'une nouvelle ère de prospérité et de développement pour le système, les cadavres laissés par la crise précédente restaient sur le carreau. Qui se souciait, pendant la période de hausse astronomique du Nasdaq, du sort des millions de travailleurs du sud-est asiatique dont les emplois furent effacés par la tornade financière de 1997-1998 et jamais remplacés, et qui croupissaient toujours dans la misère ? On a eu beau parler dans la presse de "reprise spectaculaire" en Corée, on oubliait de préciser que c'était au prix d'une aggravation non moins spectaculaire du chômage et des conditions d'exploitation imposées à la classe ouvrière par les matraques électriques de la soldatesque.

Tout comme on peut également voir aujourd'hui des pays comme l'Argentine ou la Turquie sombrer dans une récession qui promet d'être dramatique pour la population pauvre de ces pays - et cela bien avant que le ralentissement de l'économie mondiale en soit à écorner les profits des grandes entreprises des pays riches.

C'est qu'il y a finalement, au fond, de moins en moins de différence entre récession et croissance dans ce système capitaliste en crise, parce qu'il est de moins en moins capable de satisfaire aux besoins de l'humanité - en-dehors des appétits de l'infime minorité de profiteurs qui possèdent tout. Et c'est bien pourquoi il faut le renverser.

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