Insécurité : Face à un problème réel - droite et gauche font assaut de démagogie16/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1701.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Insécurité : Face à un problème réel - droite et gauche font assaut de démagogie

Le gouvernement a récemment annoncé la création de 1 000 nouveaux postes de policiers et de 5 000 emplois-jeunes d'adjoints de sécurité. Il s'agirait de répondre à la croissance de l'insécurité dans le pays, et en particulier dans les grandes villes.

La campagne pour les élections municipales fournit l'occasion, à la droite comme à la gauche, de s'empoigner sur le terrain de la sécurité. Non pas que l'une ou l'autre s'interroge sérieusement sur la façon d'assurer aux citoyens une vie quotidienne paisible, dans les quartiers et les communes où leurs candidats veulent se faire élire. Ils utilisent seulement des problèmes réels, liés à la dégradation générale de la situation sociale de la catégorie la plus pauvre de la population, pour alimenter leurs joutes politiciennes, sans proposer ne serait-ce qu'une amélioration pour les quartiers, les immeubles, les équipements collectifs, les services publics des lieux concernés.

Il est normal que la montée d'une certaine délinquance et les problèmes d'insécurité qu'elle engendre soient en débat. Il est vrai que dans certaines cités, dans nombre d'établissements scolaires, dans les transports urbains, à certaines heures en particulier de la nuit, la tension existe et débouche parfois sur des exactions et des violences. Les statistiques expriment l'évolution de la situation. Ainsi, les délits et infractions commis en 2000 ont augmenté de plus de 5 % par rapport à l'année précédente. Certes, la délinquance financière a connu la hausse la plus importante, avec une augmentation de 20 %. Mais les vols à main armée ou avec violence ont quant à eux fait un bond de plus de 15 %. Tous n'ont pas eu des conséquences graves, mais ils témoignent de la dégradation dans les rapports entre les habitants d'une même cité ou d'un même quartier. Cette violence, par les risques réels ou supposés qu'elle engendre, est partout sensible.

Aujourd'hui, les statistiques enregistrent que la délinquance implique des mineurs de plus en plus jeunes tandis que le développement du sentiment d'insécurité gâche la vie d'une partie de la population, sensible alors à l'exploitation démagogique que l'extrême droite, la droite, sinon parfois la gauche elle-même, peuvent faire de leurs craintes.

Face à cette situation, quelques milliers de policiers et d'apprentis policiers supplémentaires ne peuvent certainement pas apporter une solution. Ils peuvent parfois réussir, là où ils sont présents, à dissuader les jeunes délinquants de perpétrer leurs forfaits, mais cela n'est même pas certain. Bien souvent, les interventions "coups de poing" contribuent plus à solidariser les jeunes avec les caïds locaux qu'à améliorer la situation. Les problèmes subsistent, parfois même aggravés, lorsque les "forces de l'ordre " se retirent.

Sans avoir pour ambition d'apporter de solution définitive, il serait pourtant possible d'agir sur la situation et de limiter les effets de ces tensions sociales.

Dans les établissements scolaires par exemple, le personnel enseignant comme d'encadrement est en nombre notoirement insuffisant, les classes sont surchargées, les matériels souvent inadaptés et les locaux vétustes. Les bâtiments sont trop étroits et accueillent des effectifs qui rendent difficilement gérable la situation. L'enseignement se pratique avec des moyens très inférieurs à ce qui serait nécessaire pour satisfaire les besoins, les aspirations des jeunes. Rien que dans ce cadre-là, il serait possible de leur offrir des appuis matériels, humains et militants indispensables. Et tous les services publics, tous les équipements dits sociaux sont à cette image.

Sans perspective à la sortie des écoles d'avoir un travail correctement rémunéré dans des conditions acceptables, sans objectif, sans autre avenir que le désoeuvrement et le mépris des employeurs comme des pouvoirs publics le plus souvent, les jeunes perdent tout repère, partent à la dérive et sombrent d'autant plus facilement dans la délinquance. A une époque, des militants de quartier existaient dans les cités et étaient capables d'entraîner les habitants, jeunes et moins jeunes, d'animer et d'impulser une vie collective du quartier ou de la cité, d'offrir un modèle et un idéal autre que celui du super-caïd capable d'impressionner plus faible que lui. Ils transmettaient un sens de la solidarité, de la collectivité, et combattaient de fait l'individualisme et les trafics, petits et grands. Ces militants de quartier ont été en grande partie démoralisés par la politique de la gauche au gouvernement, leur présence s'est clairsemée, quand elle n'a pas complètement disparu.

Faire totalement disparaître la délinquance et le sentiment d'insécurité qui en découle est difficile, voire impossible dans une organisation sociale commandée par la loi du marché, la loi de la jungle du capitalisme. Mais il serait tout à fait possible de rompre avec une politique marquée seulement par une surenchère de discours démagogiques, appuyés par l'annonce de la création de quelques nouveaux bataillons répressifs. Seulement, commencer concrètement à s'attaquer aux racines du mal que représente la croissance actuelle de l'insécurité exigerait de défendre une autre organisation sociale, une autre conception de la vie en société.

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