Sirven arrêté : C'est toute leur organisation sociale qui sue la corruption09/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1700.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

Sirven arrêté : C'est toute leur organisation sociale qui sue la corruption

Parlera-t-il ou pas, après quatre ans de cavale, grâce à des complicités, et un retour rocambolesque des Philippines ? Alfred Sirven, ex-numéro 2 de la société pétrolière Elf, présenté comme le principal instigateur dans les affaires de corruption d'Elf, a en tout cas affirmé qu'il pourrait donner le nom d'au moins une centaine de personnages politiques mouillés dans ces affaires. De quoi " faire sauter vingt fois la République ", aurait-il déclaré.

Bluff ou vérité ? L'implication de Roland Dumas, ex-ministre, ex-président du Conseil constitutionnel, quatrième personnage donc de l'Etat, dans les sombres affaires d'Elf montre en tout cas que c'est vraisemblable. Comment imaginer d'ailleurs que l'Etat, jusqu'à ses plus hauts sommets, n'ait pas connu l'ampleur des activités de corruption pratiquées par Elf ? Car, si Sirven est accusé d'avoir usé de la corruption à des fins personnelles, c'est bien Elf qui a utilisé une partie de ses profits gigantesques pour constituer un fonds destiné à acheter des dirigeants politiques, en France comme dans les nombreux pays où il possède des intérêts.

Elf est intégré aujourd'hui dans le trust TotalFinaElf qui vient d'annoncer pour l'année dernière le plus gros profit jamais réalisé par une entreprise française ! Cette société pétrolière réalise à elle seule un chiffre d'affaires qui représente près de la moitié du budget total de l'Etat français ! C'est une puissance. Elle se comporte en maître avec les Etats dans une multitude de pays dans lesquels se trouvent ses gisements pétroliers. Dans nombre de ces pays, Elf, c'est l'Etat français, et l'Etat français, c'est Elf. Les affaires de l'un et de l'autre sont indissociables, comme le sont le réseau mondial d'intérêts du groupe pétrolier et les réseaux de l'Etat, de ses diplomates et de ses services secrets.

Mais la société pétrolière n'est pas la seule de son espèce. Il y a une véritable fusion entre l'Etat et les groupes industriels et financiers les plus puissants. Fusion facilitée encore par les navettes des dirigeants politiques entre les places de ministres et les positions de hauts cadres dans des trusts privés. Martine Aubry, qui est passée de la place de directrice du trust Péchiney à la tête du ministère du Travail, n'est qu'un des noms sur une longue liste de carrières similaires - à commencer par celle de l'ancien Premier ministre Balladur.

Même un second rôle de l'affaire Elf comme Christine Deviers-Joncour, payée pour qu'elle intervienne auprès de Roland Dumas alors ministre, s'est vu offrir 17 millions de francs pour un pied-à-terre, assez vaste pour y caser une dizaine de F2 de HLM !

Que touchent donc les corrompus plus haut placés, ceux-là même qui prêchent les sacrifices et l'austérité pour des travailleurs gagnant 6 000 ou 7 000 F par mois ? Et combien cela rapporte aux corrupteurs ?

L'affaire Sirven pourrait n'être qu'un mauvais roman policier, mêlant affairistes pourris et politiciens véreux, demi-mondaine et exotisme. Mais c'est nous qui payons le prix de la réalité derrière le roman. Car les profits qui alimentent la corruption des individus et la pourriture du système sont obtenus en surexploitant les travailleurs, en leur imposant des bas salaires, la flexibilité, les plans de suppression d'emplois, en puisant dans les caisses de l'Etat et en pillant les pays pauvres. La réalité protégée par le secret d'Etat, le secret des affaires, c'est la mainmise sur l'économie d'un nombre limité de grands groupes capitalistes, fusionnés avec l'Etat et dont la puissance est plus grande que celle de n'importe quel dirigeant.

Les classes laborieuses, principales victimes, n'ont peut-être pas encore, aujourd'hui, les moyens de mettre fin à ce système. Mais il faut au moins profiter de l'occasion offerte par les élections pour montrer aux partis qui se succèdent au gouvernement et qui sont à plat ventre devant les grands groupes capitalistes, que nous ne sommes pas dupes et n'accepterons pas éternellement de nous crever au travail pour entretenir les parasites, petits et grands !

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