Incendie de Saint-Denis : Quand le marché libre sème la mort09/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1700.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Incendie de Saint-Denis : Quand le marché libre sème la mort

Au moins sept personnes dont cinq enfants sont mortes dans l'incendie d'un taudis de Saint-Denis dans la nuit du 2 au 3 février. Le feu est peut-être d'origine criminelle, disent les enquêteurs, peut-être l'oeuvre d'un de ces margoulins qui rackettent les locataires de logements vétustes. Cela souligne crûment la responsabilité des propriétaires qui contraignent des femmes, des hommes et des enfants à vivre dans les conditions où s'entassaient les locataires de cet immeuble. Mais aussi, de manière plus générale, la responsabilité du marché dit libre, qui génère une telle situation.

Une centaine d'habitants, en majorité originaires du Congo, d'Afrique du Nord ou du Cap Vert, y habitaient. Les pompiers ont décrit ces F3 où vivent une dizaine de personnes, dormant à cinq ou six dans la cuisine et autant dans la salle de séjour. Les locataires payaient, probablement fort cher, le droit de s'entasser ainsi, à des propriétaires qui se contentaient d'empocher les loyers sans se soucier aucunement des conditions d'hygiène et de sécurité minimum.

Mais si des travailleurs, pourtant régulièrement employés et parfois depuis des années, en sont réduits à se livrer à ces marchands de sommeil, c'est bien parce qu'ils n'ont pas d'autre choix. La pénurie de logements a créé une situation extrêmement difficile pour les plus démunis, qui ont bien du mal à réunir les garanties, de plus en plus exorbitantes, qui leur sont réclamées. Il faut disposer de fiches de paye et d'un salaire suffisant, et avoir de l'argent d'avance pour les cautions. Les margoulins, qui prospèrent sur les plus démunis, se sentent encore plus en situation d'impunité avec les locataires dont ils savent que les papiers ne sont pas en règle. Pourquoi se soucieraient-ils de fournir des logements décents et bien entretenus à des locataires qui n'ont pas la possibilité d'exercer un recours ? Disposer d'un toit décent reste encore un cauchemar pour une partie de la population, et cela à une époque où un bâtiment aussi élaboré que le grand stade de Saint-Denis, qui jouxte presque l'immeuble ravagé par les flammes, a pu être construit en un rien de temps.

L'insalubrité dans laquelle se débattent les habitants de ces taudis est connue des pouvoirs publics. Mais les recours existants, même pour une municipalité, sont difficiles et longs, comme l'a souligné le maire de Saint-Denis.

Les lois sont d'abord faites pour protéger la propriété privée de ceux qui ont des biens, immobiliers ou autres. Elles ne sont pas faites pour contraindre les propriétaires, même quand il s'agit d'escrocs sans scrupules. En revanche la loi fonctionne quand il s'agit de procéder à des saisies ou à des expulsions contre des travailleurs dans l'embarras et incapables de régler des loyers impayés.

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