Affaire Elf-Dumas : Alfred Sirven ou l'utilisation des compétences09/02/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/02/une-1700.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Elf-Dumas : Alfred Sirven ou l'utilisation des compétences

Le dernier rebondissement de l'affaire Elf / Dumas ne suffit pas à masquer la nauséabonde réalité des méthodes politico-mafieuses de l'un des premiers trusts pétroliers français, Elf (racheté depuis par Total).

Car le procès des frasques du grand commis de la bourgeoisie Roland Dumas, c'est l'affaire Elf vue par le trou de la serrure. Depuis, les médias ont fait leurs choux gras de l'arrestation de Sirven, grâce à qui on allait enfin tout savoir. Comme si l'on ne savait pas l'essentiel des agissements et des coups tordus d'Elf.

Ce groupe pétrolier Elf-Aquitaine avait été fondé par le général de Gaulle pour défendre les intérêts de l'impérialisme français, en fait pour piller les richesses du sous-sol, allant jusqu'à soutenir les dictatures les plus sanglantes.

Fondateur des services spéciaux, Pierre Guillaumat en devint son premier PDG. Dès sa naissance, Elf fut marqué du sceau des services secrets, des coups fourrés qui en découlent, s'entourant de personnages plus ou moins douteux, servant tout autant les intérêts du trust, de l'impérialisme, que les leurs au passage.

Ce n'est pas un hasard si, après une sélection rigoureuse, Alfred Sirven accéda tout naturellement aux plus hautes fonctions chez Elf : il avait les qualités requises.

Aventurier engagé dans la guerre de Corée, Alfred Sirven connut des débuts très prometteurs (premiers braquages dans le Japon d'après-guerre). Directeur à poigne des relations sociales chez Mobil Oil, il confirma l'essai quelques années plus tard après être sorti de prison. Petit passage chez Bendix et aux relations humaines de Moulinex pour parfaire son éducation. Dans les années 1980, il fréquente Loïk Le Floch-Prigent, alors président de Rhône-Poulenc, et Serge Tchuruk, aujourd'hui grand patron d'Alcatel. Enfin il arrive au sommet, devenant le second de Le Floch-Prigent à la tête d'Elf de 1988 à 1991.

Directeur des " affaires générales " durant toutes ces années, Sirven jonglait avec les millions, issus du pillage des réserves pétrolières de l'Afrique équatoriale. A plusieurs reprises Loïk Le Floch-Prigent a avoué qu'Elf avait volé tout simplement des millions de tonnes de pétrole au Congo-Brazzaville, au Gabon, à l'Angola pour pouvoir alimenter les caisses noires du groupe. Sirven disposant d'une réserve annuelle de 10 millions de francs qu'il utilisait à sa guise pour corrompre chefs d'Etats, diplomates ou chefs d'entreprises et aussi qui bon lui semblait. C'est pourquoi il en mit tout naturellement quelques-uns à sa disposition.

Bref, l'homme arrêté par la police française à Manille a le profil de sa fonction. A son tour, il sera entendu par la justice tout comme son ennemi personnel, l'autre " Monsieur Afrique " d'Elf, André Tarallo, lié au clan gaulliste, qui est sur le banc des accusés pour avoir profité à titre personnel d'une partie des centaines de millions de francs ayant transité par ses comptes bancaires en Suisse entre 1990 et 1997.

Corrupteur en puissance puisqu'il brassait lui aussi des milliards, Tarallo ne parle pas de " commissions occultes " mais de " rémunérations de service ", ni de " caisses noires " mais de " contrats ".

Que Sirven ou Tarallo parlent ou pas, là n'est pas vraiment le problème. Certes, on juge aujourd'hui des grands commis de l'Etat, des PDG de groupes pétroliers, des numéros Un, des numéros Deux, qui ont détourné des millions, dont certains ont contribué à hisser au pouvoir des dictateurs sanglants comme Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville. Ce qui apparaît aujourd'hui comme un scandale c'est tout simplement la mise à nu de la routine des affaires, comme ils disent. C'est cela, le capitalisme. Et c'est tout naturellement qu'il utilise les compétences diverses de commis comme Sirven ou Dumas.

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