Salvador : Tremblement de terre et catastrophe sociale19/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1697.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans le monde

Salvador : Tremblement de terre et catastrophe sociale

Le tremblement de terre qui vient de frapper une partie de l'Amérique centrale, et principalement l'Etat du Salvador, a été particulièrement dévastateur. La zone en question est propice aux tremblements de terre mais les faibles moyens économiques d'un pays de moins de six millions d'habitants, qui subit la domination du monde impérialiste et a été ravagé pendant des années par les exactions de l'armée anti-guérilla, font qu'une catastrophe naturelle prend des proportions bien plus dramatiques que dans un pays riche.

Le bilan provisoire du tremblement de terre fait état de 350 morts et d'un millier de disparus. A première vue, la catastrophe est aussi importante que celle de 1986 qui avait fait 1 400 morts. Mais le bilan final sera peut-être plus lourd encore.

La première mesure prise par le gouvernement du Salvador a été de mettre à la disposition des plus pauvres... 3 000 cercueils gratuits. Cela résume toute la misère engendrée par cette catastrophe. Pour le reste, on dénombre plus d'un millier de blessés, plus de dix mille personnes évacuées, près de 25 000 maisons détruites, dont le tiers entièrement.

A l'inverse de 1986, la capitale San Salvador a été cette fois épargnée, mais pas sa périphérie. Des torrents de boue ont enseveli les maisons. La zone la plus touchée, Las Colinas, a connu une urbanisation rapide et massive à flanc de collines, conséquence de la croissance accélérée de la capitale. Ce n'était pas une zone de bidonvilles mais les maisons ont été emportées comme fétus de paille. La disparition de la forêt dans cette zone, l'absence d'un plan d'urbanisme ont accru les risques, étant donné que, lorsque les maisons ne sont pas des constructions précaires, elles sont souvent construites sans précaution particulière. Et il n'est même pas question ici de constructions antisismiques comme il peut en exister sur la côte Ouest des riches Etats-Unis, dans la région de Los Angeles et San Francisco.

Dans cet Etat situé à la frontière du Guatemala et du Honduras, d'une superficie qui équivaut à la moitié de la Suisse, 1,5 des 5,7 millions d'habitants sont concentrés dans la capitale. Les dangers de tremblements de terre, ouragans, inondations ou sécheresse (et donc d'incendies de forêts) pèsent depuis toujours sur le développement de toute cette région. On l'a vu il y a encore deux ans avec l'ouragan qui avait dévasté le Honduras, réduisant à néant les efforts faits par ce petit pays pour sortir des conséquences de la guerre civile qui a ravagé, d'une autre façon, l'Amérique centrale pendant les années quatre-vingt. C'est maintenant le tour du Salvador.

Les conflits armés entre la guérilla et les "contras" soutenus par l'Etat nord-américain ont cessé depuis 1992. Le petit Etat du Salvador, qui avait vu, dans les années quatre-vingt, son taux de croissance diminuer de 2 % par an, ne l'a vu remonter que de 1,7 % par an au cours de la dernière décennie du 20e siècle. Comme ses voisins, il s'est surtout consacré à reconstruire des infrastructures détruites par la guerre, notamment les routes et les ponts. Et les difficultés sont d'autant plus grandes que, si les Etats-Unis ont pesé largement sur les événements lors des douze années de guerre civile, en soutenant l'armée et les "contras" (l'extrême droite hostile à la guérilla), ils n'ont guère cherché à reconstruire ce qu'ils avaient contribué à faire détruire. Avec les 466 millions de dollars de dettes du Salvador annulées au début de la période de paix, en 1992, on est loin du compte.

Les projets économiques du nouveau régime mis en place en 1992, qui rêve de transformer le pays en l'équivalent de Hong Kong en supprimant l'agriculture et en multipliant les entreprises de sous-traitance, sont modelés sur ce que le monde capitaliste attend d'un petit pays comme le Salvador : qu'il lui fournisse de la main-d'oeuvre à bon marché. Le résultat est là : plus de la moitié de la population vit dans la pauvreté, la délinquance est galopante et, si l'économie n'est pas déclarée en faillite, c'est parce qu'un million d'exilés salvadoriens envoient des Etats-Unis vers leurs familles une partie de leurs gains.

Depuis le début de cette année, le Salvador vit au rythme de la "dollarisation", le dollar cohabitant avec la monnaie locale, le "colon". Cela illustre assez bien sa dépendance vis-à-vis de l'impérialisme américain, dont les représentants ont toujours protégé les quatorze familles de riches Salvadoriens qui dominent le pays. Et cette domination impérialiste représente pour le Salvador, comme pour des dizaines d'autres Etats comme lui, une catastrophe d'autant plus grande pour la population pauvre de ce petit pays qu'elle ne se manifeste pas seulement tous les quinze ans mais tous les jours. Et avec quelle âpreté !

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