Michelin Clermont-Ferrand : Les 35 heures du patron, ça ne passe pas !19/01/20012001Journal/medias/journalnumero/images/2001/01/une-1697.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin Clermont-Ferrand : Les 35 heures du patron, ça ne passe pas !

Tandis que la direction de Michelin fait le forcing pour faire admettre son projet par un référendum dans toute la Manufacture (ensemble des usines Michelin en France) les syndicats CGT, CFDT et FO s'y opposent et appellent à voter non.

Cependant à la CFDT les dirigeants de la Fédé Chimie, qui sont, eux, partisans du oui au référendum, ont condamné l'attitude de leurs syndiqués. Une crise grave vient d'éclater et cela pourrait menacer l'existence même des syndicats CFDT dans les usines Michelin.

Les manoeuvres patronales

Fin décembre, à l'issue de la 15e réunion entre syndicats et direction, celle-ci avait cru parvenir à ses fins : obtenir l'accord d'un des syndicats, en l'occurrence la CFDT.

En effet quelques responsables clermontois, bien que minoritaires dans leur propre syndicat, mais soutenus par la Fédé Chimie, prétendaient parler au nom de toute la CFDT Michelin de Clermont-Ferrand, et acceptaient le principe du référendum. Et sans cacher leur approbation du projet patronal, donc prêts aussi à donner leur signature dans la foulée... Ce qui reviendrait à laisser le champ libre à Michelin pour mettre son plan en application : la flexibilité aggravée des horaires.

Pour en arriver là, Michelin a réécrit son projet, avec en fait très peu de modifications par rapport à la première mouture : essentiellement une journée de congé supplémentaire. Mais cela a suffi aux dirigeants CFDT pour crier victoire, pour oser parler d'avancées significatives grâce à de "véritables négociations" que la CFDT appelle pompeusement "une nouvelle culture d'entreprise" !

Or le texte du projet de Michelin, imprimé sur 27 pages en caractères serrés, et qui a été envoyé au domicile de chacun des 27 000 salariés de Michelin France, contient une série de pièges sur les horaires. Mais cela est camouflé par une foule de détails minutieux et complexes sur les systèmes d'équipes, de compte épargne-temps, sur les équipes de fin de semaine, sur les moyennes horaires par semaine, ainsi que sur les salaires et le calcul des heures supplémentaires.

Bref, un vrai casse-tête à déchiffrer. Ainsi on s'aperçoit que 8 heures de présence seront payées 7 h 10 avec la suppression des temps de pause, de casse-croûte, de douche, d'habillage ! Ou encore, concernant la promesse de 1 000 embauches, si le vote oui l'emporte au référendum, il peut s'agir, au moins en partie, de travailleurs déjà embauchés, mais en CDD. Tant mieux pour eux, mais cela ne correspond pas vraiment à mille emplois supplémentaires, et surtout cela ne compense absolument pas la suppression de 7 500 postes dans les usines Michelin en Europe, dont 1 400 en France, l'essentiel devant une fois de plus concerner les usines clermontoises.

La direction mobilise son encadrement, des chefs de service aux chefs d'équipes, tant dans les ateliers que dans les bureaux et les labos. Pour cela il n'y a pas de problème à faire arrêter le travail pour réunir les travailleurs par groupe. Il s'agit de les persuader des avantages à voter oui au référendum et à grossir les inconvénients du non... Tout un argumentaire avec des fiches a été préparé pour la maîtrise qui doit l'assimiler et le présenter avec conviction au personnel.

De tels efforts devraient être payants pour Michelin, au vrai sens du terme : en obtenant un référendum, et si le oui l'emporte, il pourra imposer n'importe quels horaires et empocher un assez joli cadeau gouvernemental de plus de 150 millions de francs, soit l'équivalent de six jours de salaire pour chaque salarié !

L'opposition des syndicats et des travailleurs

Les discussions et les critiques se multiplient à mesure que la date prévue du vote par référendum s'approche, en principe vendredi 25 janvier. Depuis des mois, à la veille de chacune des réunions préparatoires syndicats-direction, les syndicats, surtout la CGT, ont appelé à réagir. Et à chaque fois, il y a eu du répondant (voir les numéros précédents de LO). A Clermont-Ferrand, comme dans les autres sites, des centaines et même des milliers de travailleurs, surtout dans les ateliers, ont fait grève et manifesté en ville.

Les explications des syndicats et les appels des militants ont convaincu nombre de travailleurs des dangers du projet de Michelin, qui est en fait l'application de la loi Aubry. La colère s'est concentrée sur la question des samedis libres, alors que Michelin maintient au minimum 15 samedis travaillés par an ; plus en réalité, avec la flexibilité et les heures supplémentaires qui sont loin d'être toutes au volontariat. Il est même question de cinq samedis travaillés dans les bureaux, alors que ceux-ci n'en ont jamais eu jusqu'ici.

La crise à la CFDT

L'origine de la crise à la CFDT est l'attitude des dirigeants locaux et régionaux clermontois, qui n'ont pas hésité à s'opposer ouvertement à leur base, syndiqués et délégués du personnel. Ces bureaucrates se sont vite retrouvés minoritaires, en déclarant qu'il faut accepter un référendum et voter oui. Alors ils se sont fait appuyer par leurs dirigeants nationaux de la Fédé Chimie pour tenter d'imposer leur diktat.

Les dirigeants de la Fédé Chimie font partie de l'entourage direct de Nicole Notat, laquelle vient d'ailleurs de donner son avis dans les médias : elle approuve tout ce que demande Michelin et conseille de voter oui au référendum...

Mais les syndiqués CFDT restent très majoritairement pour le non. Malgré les menaces d'exclusion de leur propre syndicat dont ils sont l'objet de la part des dirigeants nationaux, lesquels leur ont interdit de s'exprimer au nom de la CFDT, ils n'ont pas cédé. Ils ont même constitué une "liaison CFDT", sorte de coordination des sections syndicales CFDT entre les usines Michelin en France, et se sont réunis deux fois ces jours-ci à Clermont-Ferrand. A l'unanimité, ils réclament la poursuite des discussions alors que les dirigeants de la Fédé Chimie estiment avoir obtenu suffisamment, et ils sont pour le non au référendum... Ils ont même le soutien de certains responsables locaux ou régionaux qui pourtant étaient jusque-là fidèles à la ligne fédérale.

La Fédération Chimie tape du poing sur la table et menace tout le monde d'exclusion, accusant la majorité de ses syndiqués d'être un groupuscule irresponsable et indigne de continuer à porter le sigle CFDT.

Les conséquences sur la CFDT Michelin risquent d'être désastreuses. Si certains continuent le combat et vont même jusqu'à réclamer la démission d'un de leurs dirigeants nationaux, d'autres parlent de déchirer ou de brûler leur carte ; d'autres encore envisagent d'aller au syndicat SUD, qui n'existe pas chez Michelin ; d'autres envisageraient d'aller à la CGT.

Quant à la CGT, elle a animé les mouvements de grève et a clairement dénoncé les dangers de la loi Aubry des 35 heures. Ce sont les militants CGT qui ont poussé les travailleurs et les autres syndicats, CFDT et FO, à continuer jusqu'ici à dire non à Michelin.

Pour tenter de continuer à s'opposer au patron, la CGT vient de saisir les tribunaux en utilisant justement les divisions internes de la CFDT. Le tribunal de grande instance de Clermont- Ferrand doit statuer sur la demande d'irrecevabilité de la Fédé Chimie, puisque celle-ci, en toute rigueur, n'est pas un syndicat de l'entreprise. La CGT demande donc l'annulation du référendum, même si le jugement était prononcé après le vote. Le tribunal vient de faire savoir qu'il rendra son jugement le 24 janvier.

La CGT a formulé une autre demande, auprès du tribunal d'instance : un report du vote et une consultation par catégorie de salariés, comme pour les élections professionnelles, de façon à pouvoir décompter séparément les voix des ouvriers, des employés, de l'encadrement. Le jugement est mis en délibéré au 19 janvier.

Si le référendum a lieu, quels que soient les épisodes d'ici là, on doit souhaiter que le non l'emporte. Ce serait un camouflet pour Michelin et ses sbires. Et de toute façon, rien ne dispensera les travailleurs de continuer à lutter pour défendre leurs véritables intérêts.

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