L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : "Santé morte" ? En tout cas, malade du capitalisme !29/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1694.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

L'éditorial d'Arlette LAGUILLER : "Santé morte" ? En tout cas, malade du capitalisme !

(Editorial des bulletins d'entreprise du 26 décembre)

En ces derniers jours de l'an 2000, le Centre National des Professions de Santé a organisé une semaine "santé morte", ce qui correspond à une semaine de grève des médecins exerçant dans le secteur "libéral" ou dans les cliniques privées. Ce mouvement, joint à la grève des gynécologues obstétriciens, va sans doute occasionner pas mal de tracas pour les malades ou les futures mamans.

Bien évidemment, ces médecins, qui ne sont pas les plus à plaindre du point de vue de leurs revenus, défendent à travers ce mouvement leurs propres intérêts professionnels. On peut d'ailleurs être sûr que la plupart d'entre eux n'éprouvent guère de sympathie pour les travailleurs accusés de "prendre en otage" le public, quand les cheminots ou les postiers se mettent en grève pour défendre leurs conditions de travail ou leurs salaires.

Mais il n'en reste pas moins que la "maîtrise comptable des dépenses de santé", contestée par cette semaine «santé morte», est un système inique, qui pénalise encore bien plus les assurés sociaux, les travailleurs, que le corps médical.

Voilà des années que les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir - celui de Jospin comme celui de Juppé - multiplient les mesures pour empêcher l'augmentation des dépenses de santé d'une année sur l'autre. Mais les difficultés qu'éprouve la Sécurité sociale à équilibrer son budget sont dues en premier lieu à l'insuffisance des rentrées, conséquence du chômage, des bas salaires et des cadeaux faits au patronat sous forme de dégrèvements des charges sociales.

Ce contre quoi proteste le Centre National des Professions de Santé, c'est précisément la règle qui veut qu'une enveloppe globale de dépenses soit accordée chaque année aux praticiens, en fonction de leur activité de l'année précédente, et indépendamment de l'augmentation éventuelle du nombre de leurs patients, des maladies dont ils souffrent, de l'apparition de nouveaux traitements, ou de nouvelles méthodes de diagnostic. Et ce que veulent entre autres choses démontrer les professionnels de la santé qui observent cette opération "santé morte", c'est que la logique de ce système c'est de ne plus pouvoir assurer des soins normaux en fin d'année, quand le montant des enveloppes a été dépassé.

Mais que les dépenses de santé augmentent, quoi de plus normal ? On a aujourd'hui les moyens de mieux soigner les gens qu'il y a vingt ans, cinquante ans, ou un siècle. Tant mieux. Et si cela coûte cher, chacun sait que la santé n'a pas de prix !

Est-ce qu'on nous parle de la "maîtrise comptable des dépenses militaires", quand le gouvernement engloutit vingt milliards pour construire un porte-avions dont les pistes d'appontage sont trop courtes, dont les hélices cassent au premier essai, et qui n'est que la forme moderne des canonnières avec lesquelles l'impérialisme français s'efforçait d'imposer sa loi aux peuples des pays coloniaux ou semi-coloniaux ? Est-ce qu'on nous parle de "maîtrise comptable" quand on commence à nous dire que compte tenu du fait que le Charles-de-Gaulle passera une bonne partie de son temps en opérations d'entretien, il faudrait dès à présent mettre en chantier une deuxième catastrophe flottante du même genre.

Seulement voilà, ce gouvernement qui se dit pourtant "de gauche" a la même priorité que son prédécesseur : permettre aux grands groupes capitalistes d'accumuler des profits, grâce aux commandes de l'Etat (et l'industrie d'armement sert en particulier à cela) ou aux subventions de toutes sortes. Mais quand il s'agit de la santé de la population, il ne connaît plus que le mot "économie" (les riches, eux, ont évidemment les moyens de recourir à ce que le progrès médical a fait de mieux).

Il y a cinq ans les travailleurs des services publics, et en particulier les cheminots, avaient su dire à Juppé ce qu'ils pensaient de son "plan". Il faudra bien que tous ensemble, travailleurs du privé ou du public, nous disions à Jospin ce que nous pensons du fait qu'il continue la même politique.

Partager