UTL Norbert Dentressangle (Corbeil-Essonnes) : - Grève pour les salaires15/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1692.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

UTL Norbert Dentressangle (Corbeil-Essonnes) : - Grève pour les salaires

La quasi-totalité des 280 salariés d'UTL du site de Corbeil se sont mis en grève depuis le mardi 5 décembre pour réclamer 1 000 francs d'augmentation, le 13e mois pour tous et le paiement des heures de nuit des chauffeurs.

Entreprise de transport et de logistique, UTL appartient au groupe Norbert Dentressangle, l'une des deux cents plus grosses fortunes de France et l'un des principaux groupes de transport du pays. Coté en Bourse, il fournit en produits alimentaires les principaux magasins Carrefour d'Ile-de-France et détient le monopole des livraisons des produits cosmétiques de marque sur toute la France.

Les caisses du patron sont pleines. En 1999, le chiffre d'affaires du groupe s'élevait à un peu moins de 5 milliards de francs (15 % de hausse) et présentait un résultat de 80 millions. Avec plus de 2 000 salariés et plus de 4 000 camions, Dentressangle affiche une santé florissante. Chaque année, il dépense plusieurs millions pour s'agrandir, acquérir de nouvelles entreprises afin de satisfaire ses ambitions européennes.

Une grève unanime

Une telle santé financière est une véritable provocation face aux salariés qui touchent des salaires de misère depuis des années. «Le ras-le-bol est général depuis des mois. Les grévistes réclament leur dû. «Avec des salaires de 5 900 F et un loyer de 3 000 F, comment peut-on vivre correctement ? Nous en avons plein le dos de la pression morale de la direction», confie un gréviste en colère. A Corbeil, le jour même, la grève s'est propagée comme une traînée de poudre à l'ensemble du personnel, des chauffeurs aux caristes, des préparateurs au personnel administratif. Le lendemain, 6 décembre, les salariés des autres dépôts UTL/Norbert Dentressangle plus petits, notamment à Rantigny dans l'Oise rejoignaient le mouvement.

Des conditions de travail intolérables

«Nous sommes de véritables esclaves», dénonce un chauffeur. «Il faut commencer à quatre heures du matin, rouler des heures sans repos, et être toujours prêt à repartir», précise-t-il. L'hygiène de l'entrepôt est déplorable : une douche pour 280 personnes et seulement deux sanitaires, le plus souvent bouchés. Les préparatrices témoignent de ces conditions de travail dignes d'un autre âge : «Nous travaillons toute la journée debout dans le froid. Nous mettons manteaux, écharpes et gants. Nous mangeons froid sur les bureaux car nous n'avons ni réfectoire ni micro-ondes pour réchauffer les plats ; et pour les toilettes, il faut presque pleurer pour avoir du papier», dit l'une d'entre elles.

Toute la journée, les ouvrières préparent plusieurs milliers de commandes de produits de maquillage, de cirage, ou de brosserie et manipulent des cartons très lourds. «Le soir, nous avons le dos cassé», raconte une autre. Les 35 heures ont encore aggravé les conditions de travail. En «Brosserie», par exemple, avant l'application des 35 heures, dix personnes faisaient le travail. Aujourd'hui, elles ne sont que trois ou quatre.

A la botte de Carrefour

«C'est Carrefour qui tire les ficelles d'UTL», affirme un gréviste. Installés sur le site de Corbeil, des directeurs de Carrefour donnent les ordres, surveillent la production des commandes, tandis que des contrôleurs vérifient le travail des salariés d'UTL. Toutes les marchandises de l'hypermarché transitent désormais par les centres de logistique et sont stockées dans les camions. «Lors de la dernière Foire aux vins de Carrefour, nous avons travaillé comme des bêtes pour livrer tout en temps et en heure», précise un cariste. Carrefour a publié une affiche pour remercier les salariés d'UTL... la belle affaire! Nous n'avons pas vu la couleur du moindre centime alors que la société a fait des millions de bénéfices grâce à notre travail!»

Harcèlement moral des petits chefs, menaces et chantage permanents de la maîtrise sont la règle sur le site : la grande distribution ne saurait souffrir le moindre retard. «La direction impose donc des heures supplémentaires à gogo. Il n'est pas rare d'être obligés de faire jusqu'à 11 heures de travail par jour!», ajoute un cariste. Personne ne peut quitter l'entrepôt tant que toutes les commandes ne sont pas prêtes. Et même si le travail est fini, il faut attendre la fin du temps réglementaire. Lors de la période des fêtes de fin d'année, les chefs mettent la pression et nombreux sont les ouvrières et les ouvriers qui quittent le site vers 23 heures en ayant commencé à 9 heures du matin.

Mardi 12 décembre, les grévistes entamaient leur 8e jour de grève. L'activité du site de Corbeil était pratiquement au point mort même si quelques camions sortaient au compte-gouttes. Mais le mercredi 13, les grèvistes reprenaient le travail dans la soirée avec l'assurance de la direction d'accorder le 13e mois en 2001 et d'ouvrir des négociations dès le jeudi 14. Tandis que le dépôt de Rantigny dans l'Oise continuait la grève à plus d'une quarantaine. Affaire à suivre.

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