Lutte contre le chômage : Plein emploi ou pleine exploitation ?15/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1692.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Lutte contre le chômage : Plein emploi ou pleine exploitation ?

A son arrivée à Matignon, Lionel Jospin avait créé un Conseil d'analyse économique (CAE) composé d'économistes de tous bords. En mai dernier, il leur a confié le soin de rédiger un rapport sur les moyens à mettre en oeuvre pour diminuer le chômage ces prochaines années.

Un ancien conseiller de Strauss-Kahn, Jean Pisani-Ferry, au nom du CAE, vient de remettre ses conclusions à Jospin, en lui exposant une «stratégie pour arriver au plein emploi avant 2010».

«Plein emploi», cela ne signifie d'ailleurs pas pour ce conseiller la suppression du chômage, mais un chômage ramené à 5 % de la population active au lieu des 9,4 % officiels aujourd'hui. Ce rapport qualifie les trois dernières années d'années «merveilleuses», puisqu'elles auraient abouti à la création de 400 000 emplois en moyenne par an grâce, pense- t-il, aux emplois-jeunes et au passage aux 35 heures. Mais ce chiffre, dit-il aussi, pourrait chuter sans la mise en oeuvre de nouveaux moyens.

Et quels sont ces moyens-miracle ? Ce sont en réalité de vieilles recettes qu'on pourrait croire tirées tout droit d'un catalogue de revendications du MEDEF! D'abord, ne rien faire qui pourrait gêner les entreprises et freiner la croissance et donc leurs profits ; au contraire, il faudrait alléger encore les charges sur les bas salaires et maintenir la «modération salariale». Ce qui ne serait, on peut le constater, que la continuité de la politique menée par Jospin puisque, rien qu'avec les accords sur les 35 heures, les employeurs ont droit à des aides de 21 500 F par an et par salarié payé au SMIC et puisque 47 % de ces accords prévoient un gel des salaires pour l'ensemble des salariés.

Mais selon le rapport Pisani-Ferry, il faudrait en plus impérativement freiner l'évolution du SMIC horaire brut pour, prétend-il, «défendre» l'emploi peu qualifié. En ce qui concerne la durée du travail, il prône la «souplesse», c'est-à-dire le recours sans entraves aux heures supplémentaires quand c'est nécessaire. Dans le même ordre d'idées, il estime qu'il faudrait supprimer toutes les subventions permettant des départs en préretraites, pour garder plus longtemps les salariés au travail et envisager un recalcul des pensions de retraites «pour rendre le système plus incitatif au travail».

Enfin, le rapport trouve que le PARE, le Plan d'Aide au Retour à l'Emploi inspiré par le MEDEF pour inciter les demandeurs d'emploi à prendre les emplois qu'on leur propose, va dans le bon sens.

Ce ne sont pour l'instant que des recommandations au gouvernement mais elles sont significatives. Le prétexte est toujours le même. La lutte contre le chômage est l'occasion pour le patronat de bénéficier d'une main-d'oeuvre la moins chère possible.

La baisse du chômage ne signifie donc pas la fin de la pauvreté. Le nombre des travailleurs pauvres est estimé par l'INSEE à 1,3 million en France. Ce sont des personnes qui travaillent toute l'année ou alternent les périodes de chômage et d'emplois précaires et qui, malgré cela, ne touchent pas plus de 3 500 F par mois de revenus en devant parfois faire vivre toute une famille avec ça. Selon l'INSEE, ils représentent 6 % de la population active et ce chiffre ne fait qu'augmenter.

Avec de tels plans, le chiffre des demandeurs d'emploi baissera peut-être mais pas celui des pauvres!

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