Pénurie de main-d’oeuvre ? Non, pénurie sur les salaires08/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1691.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Leur société

Pénurie de main-d’oeuvre ? Non, pénurie sur les salaires

Depuis quelque temps le MEDEF, relayé par certains médias, affirme que les employeurs auraient beaucoup de mal à trouver des salariés. Ainsi le quotidien Le Parisien du 1er décembre titrait à la Une : «800 000 emplois à pourvoir immédiatement» et sous-titrait «A peine sortie de la crise, voilà la France confrontée à un nouveau problème : la pénurie de main-d'oeuvre (...)».

Le MEDEF et les médias en question mettent en cause l'insuffisance de formation professionnelle et prétendent qu'il y a un manque d'informaticiens, de serveurs, de cuisiniers, d'ouvriers du bâtiment, etc. Et ils incriminent les 35 heures en demandant la possibilité de faire faire des heures supplémentaires pour compenser. Et pour éviter une «spirale inflationniste» sur les salaires (!), ils revendiquent une fois de plus un allégement des charges...

Cette campagne patronale, car c'en est une, laisse croire que les chômeurs seraient responsables de leur sort, puisqu'ils refuseraient des emplois existants. Et puisque, selon certains, le pays serait «à peine sorti de la crise», ils exonèrent, de fait, le gouvernement de toute action contre le chômage. Ils feignent d'oublier qu'il y a toujours, officiellement, plus de deux millions de chômeurs, et bien davantage dans la réalité.

La Tribune, journal économique qui pourtant s'adresse au milieu des patrons et des cadres, rétablit, la réalité des choses. «A la lecture des fichiers de l'ANPE, écrit ce journal, il apparaît que les pénuries de main-d'oeuvre concernent une infime minorité de professions. Sur les 466 métiers recensés par l'Agence nationale pour l'Emploi, seule une vingtaine semble réellement souffrir d'un manque de personnel. Parmi eux figurent les télévendeurs, les infirmiers, les couvreurs, les opérateurs de transformation des viandes, etc. Mais ni les informaticiens, ni les serveurs.»

Bien sûr, l'ANPE ne couvre pas l'ensemble du marché du travail et il existe des différences régionales ; La Tribune poursuit : «Ces précautions étant prises, le mot de pénurie paraît tout de même excessif pour qualifier la situation de l'emploi» et ajoute «la coïncidence entre un chômage persistant et des postes vacants s'explique souvent par les conditions d'embauche (salaire, pénibilité, durée du contrat...) qui peuvent dissuader les candidats, mais aussi par les distances.»

Il apparaît qu'une des raisons fondamentales de cette situation est le niveau très bas des salaires. En effet, les salaires ont tellement baissé, au fil des années, qu'ils ne sont bien souvent plus très loin du niveau des allocations-chômage. Du coup certains chômeurs se trouvent en face du faux choix, soit trouver un emploi, ce qui leur ferait perdre l'allocation-chômage, mais avec un salaire à peine supérieur, et des frais parfois importants de transports, de garde d'enfants, et d'impôts plus élevés. Bien souvent, même quand ils peuvent trouver un emploi, ce qui est loin d'être toujours le cas, leurs revenus, déjà dérisoires, diminuent.

Les milieux patronaux s'empressent d'en conclure que c'est parce que les allocations-chômage sont trop élevées et que si elles étaient plus basses, les chômeurs seraient bien obligés d'accepter n'importe quel boulot.

Si les patrons ont des problèmes pour trouver des salariés (mais on voit que leurs problèmes sont très relatifs), ils n'ont qu'à prendre sur leurs profits pour payer un salaire satisfaisant. Seulement, comme toujours ils veulent le travail et l'argent du travail.

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