LEditorial des bulletins d’entreprise du 4 décembre - Les pots-de-vin : Une forme de libéralisme économique08/12/20002000Journal/medias/journalnumero/images/2000/12/une-1691.gif.445x577_q85_box-0%2C13%2C166%2C228_crop_detail.jpg

Editorial

LEditorial des bulletins d’entreprise du 4 décembre - Les pots-de-vin : Une forme de libéralisme économique

L'incarcération de Michel Roussin, l'ancien chef de cabinet de Chirac à la mairie de Paris, comme la mise en examen de trois anciens trésoriers de grands partis politiques, soupçonnés d'avoir extorqué des fonds en échange de marchés publics, ont remis en lumière la manière dont ces partis ont été financés par de grandes entreprises. Mais le problème ne réside pas seulement dans ces agissements illégaux.

Les lois de 1988 et 1990 sur le financement des partis politiques ont autorisé, jusqu'en 1995, les dons des entreprises aux partis politiques, jusqu'à concurrence de 500 000 F par entreprise. Mais qui pourrait croire que les entreprises qui versaient ainsi cinquante millions d'anciens francs (le salaire et les charges sociales de cinq ouvriers payés au SMIC pendant un an) n'en attendaient pas des contreparties ? Non seulement en espérant voir les partis ainsi financés mener une politique qui leur soit favorable, mais des contreparties en bon argent sonnant, sous forme de commandes, d'aides ou de subventions.

Evidemment, du point de vue du droit, tous les partis politiques pouvaient recevoir de tels dons. Mais dans la réalité, c'est évidemment les partis qui étaient les plus proches des organes de décision, nationaux, régionaux ou départementaux, c'est-à-dire le RPR et l'UDF d'un côté, le Parti Socialiste de l'autre, qui se partageaient le gros du pactole. Le PCF, s'il a touché quelque chose, n'a pas dû toucher beaucoup. Et inutile de préciser qu'aucune entreprise n'a jamais fait à Lutte Ouvrière le moindre don de cette nature !

Alors, depuis 1995, ces dons des entreprises sont officiellement interdits, sauf que les grands patrons peuvent faire des dons personnels. Ces derniers sont à leur tour plafonnés, mais c'est évidemment un obstacle facile à tourner, quand on a des amis du même milieu.

Quant aux contreparties provenant du personnel politique de la bourgeoisie, il n'y a évidemment pas que les marchés attribués sans appel public (illégaux, parce qu'ils lèsent certains bourgeois par rapport aux autres). Il y a aussi toutes les diminutions de charges sociales votées par le Parlement, toutes les subventions accordées par le gouvernement, les conseils régionaux, les conseils généraux et les grandes municipalités, qui finissent dans les coffres des grandes entreprises.

Cela, la majorité de la population laborieuse l'ignore, car un brouillard opaque recouvre toutes ces opérations financières. Ces aides sont toujours accordées sous prétexte de lutter contre le chômage, pour la création d'emplois. On les présente le plus souvent comme des aides à de petites entreprises en difficultés. Mais dans les conseils régionaux où siègent des élus de Lutte Ouvrière, ceux-ci, en grattant un peu, s'aperçoivent le plus souvent qu'en fait de petites entreprises, il s'agit couramment de filiales de grands groupes qui encaissent déjà des bénéfices fabuleux.

En Ile-de-France, dont l'ancien conseil régional est actuellement sur la sellette, le brouillard est encore plus épais, car le conseil régional ne distribue pas directement ces fonds : l'exécutif de la région fait voter une «enveloppe globale» et en remet le montant à un organisme extérieur, qui se charge de la distribution sans que les élus aient la moindre possibilité de contrôle sur leur destination. C'est ce que certains appellent la «transparence» et la «démocratie» !

Alors le vrai scandale n'est pas que ce soit la société Tartempion qui ait remporté un marché face à ses concurrents parce qu'elle avait versé un pot-de-vin plus important. Le vrai scandale est l'existence de ce système où les grandes entreprises, avec l'aide des politiciens à leur service, puisent allègrement dans les caisses de l'Etat, pour faire le maximum de profits sur le dos de la population laborieuse.

Et les responsables de ce système ne connaîtront jamais la prison... sauf si, en plus, ils reçoivent des pots-de-vin. C'est sans doute cela, le libéralisme économique.

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